Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit: Raven EyePhotography

Alliance longue distance

Si tu veux courir vite, cours seul. Si tu veux courir longtemps, cours accompagné. C’est la devise du couple de coureurs Sébastien St-Hilaire et Mélanie Labelle qui ont choisi de franchir la ligne d’arrivée d’ultra-marathons main dans la main. L’interdépendance, la clé du succès sportif?

Vos noms ne sont pas encore très connus dans la communauté des coureurs au Québec, expliquez-nous votre parcours.

Nous sommes deux coureurs d’ultra-marathons en sentier, parents de deux enfants de 2 ans et 7 ans. Nous nous sommes mis à la course à pied il y a un peu plus de 5 ans et courrions alors individuellement. Il y a deux ans, lors du Défi Montréal-New York, une course en équipe et en relai que j’ai (Sébastien) courue avec des amis, j’ai été sensibilisé à l’importance des compagnons de course. Mélanie et moi nous sommes alors mis à courir ensemble après la naissance de notre fille. En août 2014, nous avons participé à la TransRockies Run en couple, une course à étapes de six jours à travers les Rocheuses du Colorado. C’est là que nous avons mis à profit notre technique d’interdépendance, quelques fois testée auparavant lors de courses en sentier au Québec en début de saison. Depuis, nous nous entraînons seuls la plupart du temps, mais courons toujours ensemble lors d’événements.

L’interdépendance est donc votre marque de commerce. Comment la mettez-vous en pratique?

Ce que nous cherchons, ce n’est pas forcément de monter sur le podium, mais plutôt de partager le plaisir de la course et le bonheur de franchir la ligne d’arrivée côte à côte. Lors de la TransRockies, nous nous aidions l’un l’autre en fonction de nos forces et de nos faiblesses. J’ai aidé Mélanie à traverser les passages difficiles de la course, comme les cols de montagne et lorsque l’oxygène manquait en altitude, en la tirant par ses bâtons. J’ai plus de force et de vitesse et je la poussais à adopter un rythme légèrement plus soutenu que le sien. En contrepartie, elle a un moral bien plus fort que moi et réussi à se motiver là où je flanche. Elle m’a tiré à sa manière, pas physiquement mais mentalement. Elle m’a également beaucoup supporté lorsque j’ai eu une blessure au niveau de la bandelette et m’a aidé à descendre certaines côtes à reculons, impossible à réaliser tout seul. Nous nous efforcions de toujours rester l’un derrière l’autre, d’un bout à l’autre de la course. J’aurais pu aller bien plus vite et c’est souvent frustrant pour moi de me faire dépasser par d’autres coureurs, mais notre philosophie est de nous soutenir malgré les difficultés.

Crédit: Raven EyePhotography

Des vœux de mariage appliqués à la course?

Exactement! Courir ensemble pendant 28 heures, s’alimenter, se soigner, se motiver, préparer le camp et dormir sous tente pendant cinq nuits, c’est un exercice relationnel bien plus représentatif qu’un mariage dans la vie d’un couple. Nous avons beaucoup travaillé sur notre mode de communication pour éviter de mettre trop de pression sur l’autre. Le non verbal est très important pour économiser notre énergie et nous nous en servons pour savoir comment se sent l’autre. Par exemple, j’ai appris à observer les épaules de Mélanie, qui sont souvent basses en début de course et lorsqu’elle n’est pas dans sa zone de confort. Mais quand vient une difficulté, elle se redresse comme pour combattre, elle devient un vrai loup! Il y a aussi de petits gestes qui ont toute leur importance comme poser une main dans le dos. Ça permet de créer du lien entre nous, en plus d’encourager l’autre et ça aide beaucoup lorsque l’un de nos nous va moins bien.

Quel est le regard des autres coureurs face à l’équipe un peu particulière que vous formez?

Il y a de l’admiration, c’est sûr, surtout lorsque les gens connaissent notre vie de famille à côté. Nous avons deux enfants en bas âge, tous les deux des carrières très prenantes et nous essayons de conjuguer notre quotidien familial et sportif. Plusieurs compagnies comme Salomon Montréal, KSL Sport et Xact Nutrition nous supportent, non pas parce que nous montons sur les podiums mais parce que nous souhaitons véhiculer des valeurs familiales par la course. Les gens s’identifient facilement à nous et nous essayons de les inspirer. À vrai dire, nous nous inspirons nous-mêmes, l’un et l’autre. À la base, courir en couple comme nous le faisons prend beaucoup d’amour, de la confiance et surtout un sentiment d’admiration l’un envers l’autre. Nous ne sommes pas des performeurs, plutôt des chiens de milieu de traîneau, mais nous avons appris que la modération nous est bien plus bénéfique.

Quelle leçon en avez-vous tirée?

Pour ma part, courir avec Mélanie m’a énormément aidé dans mon endurance fondamentale. Je dose mon effort et j’acquiers une course plus efficace. J’ai réussi également à régler des blessures à répétition dont je n’arrivais pas à me débarrasser, comme des tendinites. J’ai aussi réalisé que j’ai bien plus de plaisir à courir avec ma blonde qu’à réaliser des intervalles de manière individuelle. C’est pour cela que nous sommes maintenant impliqués dans l’entreprise Esprit de Corps, qui organise des défis sportifs en équipe. Nous avons également pris conscience que l’interdépendance marche aussi dans la vie de tous les jours de notre famille. Nous avons énormément besoin de notre entourage pour continuer à nous entraîner sans négliger nos enfants. Nous intégrons la course à notre vie de famille, nous allons au bureau en courant, nous revenons de l’école en courant avec notre fils, sur 800 mètres. La course a désormais dépassé la dimension de notre couple.

Commentaires (0)
Participer à la discussion!