Pour ou contre un âge minimum en haute montagne
Le désir d’inscrire son nom dans l’histoire incite plusieurs alpinistes à tenter de battre différents records. Certains pays imposent dorénavant un âge minimum pour grimper les plus hauts sommets. Alors, pour ou contre l’imposition d’un âge minimum en montagne?
Pour
Certains diront qu’il n’y a aucune raison médicale ou scientifique pour empêcher un enfant de monter à 8000 mètres. Si la science ne souffle mot, c’est forcément « correct » de laisser un enfant monter en haute montagne. Mais le gros bon sens – celui qui nous fait dire non quand c’est inacceptable – il se trouve où dans cette histoire? Question de valider la raison de grimper l’Aconcagua à 11 ans, posons-nous quelques questions : un enfant de 11 ans peut-il monter et redescendre seul d’une montagne comme l’Aconcagua? À cet âge, peut-on porter notre part de charge pour relier les camps d’altitude? S’il arrive un pépin à un de nos collègues – par exemple un œdème cérébral – peut-on lui venir en aide, tout en assurant notre sécurité? Un enfant de 11 ans peut-il être autonome en haute montagne ou doit-il être entouré d’une équipe pour assurer sa sécurité et son succès? Poser ces questions, c’est y répondre.
Il est certainement vrai que la science n’a aucune contre-indication à ce qu’un jeune de 11 ans monte à 8000 mètres; il est aussi vrai que la science n’a aucune contre-indication à ce qu’un enfant de 11 ans saute de la Place Ville-Marie à Montréal en parachute. Enfin, le plus dangereux demeure sans doute la médiatisation de cet « exploit » qui risque d’entraîner une course du type « le plus jeune enfant ayant gravi le sommet de l’Everest ». La haute montagne n’est pas un terrain de jeux pour les enfants, mais pour les adultes. Petit deviendra grand et il aura tout le temps de tâter les hautes cimes du globe sans mettre sa vie et celle des autres en danger.
- Ian Bergeron, montagnard amateur, journaliste et éditeur du site escaladequebec.com
Contre
Il n’existe que peu d’études quant aux risques, pour les enfants, à monter en haute altitude, mais il n’y a aucune contre-indication médicale pour affirmer qu’un enfant ne peut pas faire ce type d’ascension. Les enfants ne semblent pas présenter plus de signes du mal des montagnes (MAM) ou de l’œdème cérébral que les adultes. Par contre, ils sont plus susceptibles au déclenchement de l’œdème pulmonaire. Évidemment, de 0 à 3 ans, le système de contrôle de la respiration n’est pas encore parfaitement développé, ce qui peut augmenter les risques d’apnée du sommeil ou d’œdème pulmonaire.
Après l’âge de trois ans, c’est surtout le manque de communication qui peut engendrer des problèmes pour identifier d’éventuels symptômes du mal des montagnes. S’il est âgé entre trois et huit ans, l’enfant devrait être accompagné de ses parents, qui peuvent plus facilement déterminer les modifications de son comportement. À cet âge, il est difficile pour un enfant de bien décrire des douleurs comme un mal de tête, qui pourrait se transformer en MAM ou en œdème cérébral. Aucune recherche n’a démontré que l’altitude était nuisible pour les enfants qui ont passé le cap des huit ans, mais une attention particulière doit être portée sur les règles d’acclimatation (pas plus de 300 à 600 mètres d’élévation entre deux nuits consécutives). La vitesse de progression doit être modérée.
Il ne faut pas oublier que le développement physique de l’enfant est toujours en progression. De plus, les enfants se déshydratent plus facilement, car ils portent une faible attention à ce facteur. On peut donc, si l’on est particulièrement vigilant, emmener un enfant en altitude sans crainte. Cependant, je ne conseillerais personnellement pas de dépasser une altitude de 3000 mètres avant l’âge de 12 ans ou 5000 mètres avant la fin de l’adolescence.
- Pascal Daleau, Ph.D, professeur titulaire, cice-doyen à la recherche de la faculté de pharmacie de l'Université Laval
Le chiffre du débat : 11
C’est l’âge de Jordan Romero alors qu’il se tenait au sommet de l’Aconcagua (6969 mètres d'altitude) le 30 décembre dernier et établissait un nouveau record de jeunesse sur cette montagne. Ses parents ont dû obtenir une autorisation spéciale des autorités puisque l’âge minimum pour tenter de gravir cette montagne est fixé à 14 ans selon la loi argentine. La résolution 0115 a été instaurée en 1990 après qu’une famille eut tenté d’atteindre le sommet de la montagne avec un enfant de quatre ans. Le Népal a pour sa part fixé à 16 ans l’âge minimum pour tenter d’atteindre le sommet de l’Everest (8848 mètres).