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  • Crédit : courtoisie Sébastien Lapierre

Sébastien Lapierre : la marche de l'empereur

Depuis novembre, l’aventurier québécois Sébastien Lapierre tente de devenir le premier Canadien à rejoindre le pôle Sud en ski, en solitaire et en autonomie. Un défi que seul une vingtaine d’humains ont réussi par le passé. Plus que les records, les premières ou la gloire, ce pompier professionnel de 38 ans veut surtout réaliser un rêve d’enfant. Témoignage.

Qu’est-ce qui vous attire tant dans le continent blanc?

Son inaccessibilité, son mystère, son éloignement. Cela nourrit l’imaginaire. Pour moi, l’Antarctique représente l’idéal de l’expédition hivernale.

D’où vous est venue l’envie de tenter l’aventure en Antarctique en solitaire?

L’Antarctique, c’est d’abord un rêve d’enfant. Petit, je m’imaginais aventurier, explorant ce continent. Alors forcément, quand j’ai commencé à faire des expéditions, le rêve s’est transformé en objectif. Mais avant d’aller au pôle Sud, il fallait gagner de l’expérience. En 2010, j’ai skié sur la calotte glaciaire du Groenland pendant un mois, en autonomie complète. Trois ans plus tard, je tentais la première traversée du passage du Nord-Ouest en kayak de mer, en une seule saison, avec mon ami et partenaire d’expédition Olivier Giasson.

Crédit : Sébastien Lapierre

Trois expéditions dans des contrées froides. Vous avez l’air d’aimer ça particulièrement!

L’hiver a toujours été ma saison préférée. Je trouve que le froid est plus facile à gérer que la chaleur. Il suffit de s’ajouter une couche de vêtements sur le dos. Physiquement, mon corps supporte plus difficilement les fortes températures. Au-dessus de 25 degrés, je me sens moins à l’aise.

Comment vos précédentes aventures vous ont-elles préparé à celle-ci?

Le Groenland m’a permis d’acquérir de l’expérience technique, de me familiariser progressivement avec le froid extrême, de valider mes choix d’équipement. Pour le passage du Nord-Ouest, la durée de l’expédition était comparable à celle que je m’apprête à vivre. C’est dans la gestion de l’effort que j’ai beaucoup appris. Découvrir comment mon corps s’acclimate au défi physique, notamment.

À quels défis allez-vous faire face?

L’erreur classique est de pousser trop fort au départ. Le premier jour, c’est toujours le plus beau, car on part avec les meilleures conditions météorologiques possible. On se sent fort. Mais il faut y aller progressivement et s’acclimater correctement : 45 jours d’expédition, 10 heures de ski par jour, c’est très long. Plus que le froid, c’est surtout le vent que je redoute. Je l’aurai toujours de face. Quand ça souffle fort, tout est plus compliqué, comme avancer, monter la tente… Tous mes mouvements doivent être pensés, anticipés, pour éviter de dépenser trop d’énergie. Plus que le physique, c’est surtout le « mental » qui est le plus difficile à gérer. Je vais être seul. Je vais donc avoir beaucoup de temps pour penser. Il va falloir me forcer à rester dans une bulle d’optimisme constant, surtout quand ça ira mal!

Crédit : Sylvie Vincent

Pour supporter ces conditions extrêmes, aurez-vous un équipement particulier?

Les vêtements d’hiver vendus en magasin sont généralement fabriqués pour la montagne et misent principalement sur l’imperméabilité. En Antarctique, c’est un froid sec qui prévaut. Il me fallait surtout des vêtements respirants pour évacuer la chaleur. Un manteau plus long pour me protéger du vent, avec beaucoup de poches, car je dois manger toutes les 50 minutes. Kanuk m’a donc confectionné un vêtement spécial, avec plein de petits détails utiles.

On a beaucoup parlé de l’Antarctique, il y a deux ans, avec l’expédition de Frédéric Dion. Avez-vous discuté avec lui pendant votre préparation?

Oui, avec lui et avec d’autres personnalités, comme Thierry Petry [partenaire d’expédition de Bernard Voyer]. Je voulais valider avec eux certaines façons de faire, certains aspects propres à une aventure polaire. Avec Frédéric, j’ai notamment parlé de l’éloignement de la famille. On craint de ne pas être présent s’il se passe quelque chose. Là-bas, on s’imagine toutes sortes de choses, on élabore des scénarios dramatiques… Heureusement, j’aurai un téléphone satellite et une balise inReach pour les messages écrits. Pour ma conjointe, gérer seule la famille, sans papa, sera aussi un beau défi.

Crédit : Sébastien Lapierre

Vous serez encore en Antarctique pendant les réveillons de Noël et du Jour de l’An. Comment allez-vous célébrer?

Ça va être différent, c’est certain! Mais journée de ski, elle, ne sera pas différente des autres. Je prendrai ce que la nature me donnera. J’avancerai autant que je pourrai. Mais le soir, dans ma tente, je me prendrai une petite gorgée pour fêter ça. Sûrement avec un repas légèrement différent, et pourquoi pas un cadeau de moi à moi? Une petite gâterie, juste pour souligner le moment…

Encore plus 
Pour suivre son aventure : polesud2016.com ou facebook.com/polesud2016


Liste d’équipements dans le traîneau (ou sur le dos)

> Vêtements : 8,42 kg

3 manteaux – 2,14 kg
1 gilet en laine mérinos – 305 g
3 couches de base (pantalon et chandail) –  969 g
2 couches intermédiaires – 968 g
10 chaussettes en laine mérinos (léger, médium, épais) – 920 g
1 tenue de nuit en laine mérinos (pantalon et chandail) – 501 g
5 sous-vêtements –392 g
2 masques – 202 g
8 sacs de plastique (pour les pieds) – 40 g
3 cache-cou – 100 g
2 tuques – 101 g
3 paires de gants, sous-gants, mitaines et surmitaines – 1,3 kg
Botillons de tente – 480 g

> Cuisine : 12,45 kg

2 réchauds, 2 bouteilles, trousse d’entretien, pompe, base, échangeur thermique – 1,896 kg
3 bouteilles de combustible naphta (3,78 l) – 9,3 kg
Briquet et allumettes – 75 g
Bol, tasse, cuillère – 163 g
Bouilloire – 118 g
Thermos – 406 g
Sac à eau 3 l – 210 g
Bouteille – 107 g
Flasque – 175 g

> Matériel d'expédition : 20,6 kg

Tente et sac de transport – 2,55 kg6 piquets à neige – 126 g
Sac de couchage –40 °C et doublure d’appoint – 3 kg
2 matelas – 1,15 kg 
Skis, 2 paires de bâtons, peaux d’ascension – 3,27 kg
Bottes – 2,8 kg
Traîneau et longe – 4,82 kg
Sac à dos 32 l – 1,35 kg
Lunettes de soleil et de ski – 443 g
5 sacs au sec – 250 g
Pelle et scie à neige – 800 g
Petite brosse pour enlever la glace et la neige – 35 g

> Nourriture : environ 56,7 kg (125 livres)
> Électronique / 5,7 kg

2 téléphones satellite et nécessaire de recharge – 1,2 kg
InReach Explorer (+ câble de recharge) – 230g
Montre (+ câble de recharge) – 132g
Batteries et panneaux solaires – 1,6 kg
Trousse de réparation et couture – 750 g
Outil multifonctions – 250 g
Appareil photo (+ nécessaire de recharge) et cartes mémoire – 500 g
Caméra (+ câble de recharge) et cartes mémoire – 146 g
Ipad (+ câble de recharge) – 350 g
GPS, boussole, harnais de boussole – 510 g
Écouteurs – 17 g

> Articles de toilette – environ 1 kg.

TOTAL : environ 104,87 kg


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