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  • Crédit: Christian Lévesque

Gabriel Filippi : Retour vers le sommet

L’alpiniste Gabriel Filippi se rendra à l’Everest en mai prochain pour la quatrième fois. Qu’est-ce qui le pousse à s’élancer encore sur cette montagne ?

Il fait 25 sous zéro. Les clients du café frissonnent chaque fois que la porte s’ouvre et laisse entrer un peu de froideur. Ils s’accrochent à leur boisson chaude en maudissant l’hiver. Encore un courant d’air frais qui entre. Cette fois, c’est l’alpiniste Gabriel Filippi qui arrive pimpant et qui attire vers lui des regards étonnés : « Quelle magnifique journée !», lance-t-il.

Atteint de « bougeotte aiguë », l’alpiniste de 48 ans reste difficilement en place. Froid sibérien ou non. Ce maniaque de plein air est toujours à la conquête de nouveaux défis, de nouveaux panoramas. « Ma blonde dit que je suis une vraie tornade », dit-il. Son parcours d’aventurier peut effectivement donner le tournis. D’une montagne à l’autre, il a parcouru pas moins de 40 pays. Et il a des projets plein la tête, comme celui d’amener son beau-père de 80 ans au sommet du mont Vinson (Antarctique). Une façon de joindre l’utile à l’agréable, puisqu’il complètera du même coup la couronne des sept sommets.

D’ici là, il n’entend pas se tourner les pouces. Ce printemps, il entreprendra une quatrième ascension de l’Everest (il a déjà réussile sommet en 2005). Cette fois, l’objectif est d’amasser des fonds pour la Fondation des Canadiens pour l’enfance : « C’est important pour moi d’associer des causes sociales à mes ascensions. Je suis choyé et je veux aider », souligne-t-il. Il grimpe pour l’amour des enfants, de la montagne et… du hockey ? « Quand j’étais jeune, j’étais fou de hockey. Je jouais dans un club à l’aréna, mon père nous avait fait une patinoire derrière la maison. Dès que j’avais un moment, je chaussais mes patins. Ma mère avait de la difficulté à me faire rentrer pour manger », raconte-t-il.

Aujourd’hui, Gabriel Filippi préfère de loin les crampons et piolets. Il vibre pour la vie en haute altitude, les bourrasques, les réveils avant l’aube, les repas sur réchaud et les paysages blancs. Sa peau marquée par le vent et le soleil témoigne de ses passions. Cet ancien gestionnaire de circulation aérienne a pourtant eu l’appel de la montagne sur le tard, un peu par hasard. À 34 ans, lors d’un voyage en Colombie, il a insisté auprès d’un guide touristique pour grimper le volcan Nevado Del Ruiz (5321 mètres). « J’ai adoré ce que j’ai vu dans les hauteurs. J’ai immédiatement eu la piqûre », raconte-t-il. À peine descendu, il rêvait déjà de nouveaux sommets. Il a pris des cours d’escalade de roche et de glace. « Quelques mois plus tard, je partais faire l’Aconcagua. Je suis revenu, mais ma tête est restée dans les nuages. Elle y est toujours. En montagne, je suis comme un enfant dans un magasin de jouets », confie-t-il, les yeux bleus ronds comme des billes.

La tentation pour l’Everest est forte pour lui. La montagne deviendrait-elle une addiction ?  Gabriel Filippi sourit : « On devient dépendant, c’est vrai. Je ne sais pas pourquoi on y retourne, c’est difficile à décrire. Cette montagne a vraiment quelque chose de spécial. C’est comme un ami qu’on prend plaisir à revoir au fil des ans. Saviez-vous qu’il existe un groupe Everest anonymes ? »

Même très fréquentée, la montagne demeure dangereuse : « Certains alpinistes arrivent sans être suffisamment préparés. On oublie que l’Everest est une montagne qui tue ». Les cadavres gelés, croisés sur le chemin du sommet, rappellent brutalement que la mort peut frapper à tout moment : « La première fois que tu vois un mort, ton cœur fait trois tours. À la moindre erreur, la montagne peut être fatale ». Lors de son ascension réussie de mai 2005, son grand ami Sean Egan y laisse sa peau : « Sean ne se sentait pas bien au camp de base. Je l’ai convaincu de descendre. À une heure de marche du premier village, son cœur a lâché », raconte-t-il avec émotion.

Dans une petite hutte, sur une montagne du Chili, Gabriel Filippi a lui-même frôlé la mort. Après avoir mis les pieds sur quatre continents en 48 heures, il était dans un état de déshydratation avancée et de fatigue accumulée. «Je vomissais de la bile et du sang. Mon corps n’était plus capable de fournir aucun effort. J’étais sûr de crever là, de ne pas passer la nuit. J’ai écrit un mot à ma femme et mes filles avant de m’endormir. Heureusement, je me suis réveillé le lendemain matin. »

Crédit: Christian LévesqueL’alpiniste vit aujourd’hui à l’Île-des-Sœurs avec ses « cinq femmes » : sa conjointe Annie a trois filles d’une précédente union, et ils ont eu une fille ensemble. Elles sont âgées de 12 à 18 ans. « J’ai toujours rêvé d’avoir un harem, mais je ne pensais pas qu’il prendrait cette forme », blague-t-il. S’il est aventureux, il se défend bien d’être téméraire et redouble de prudence depuis qu’il a une famille. « On a dit que depuis la grossesse de sa femme, Jacques Villeneuve a perdu une seconde par tour. C’est un peu ce qui m’arrive. Je mets une barrière de plus ». Chaque nouveau départ demeure une torture. L’aventurier s’impose donc un rituel pour ne pas étirer les adieux inutilement : quand il fait ses sacs, les filles sortent ensemble. Elles vont magasiner ou au cinéma. « Dès que mes bagages sont prêts, je les cache en attendant le départ. Je pars pour revenir, c’est comme des vacances ». Rien à voir pourtant avec un tout inclus !

Son plus beau voyage ? « Je garde un merveilleux souvenir de mon ascension du Mont McKinley (Alaska) en solo. Je souhaitais un tête-à-tête avec la montagne pour la remercier de m’avoir fait vivre de si beaux moments ». En raison d’une météo imprévisible, il a dû se réfugier dans une grotte pendant quatre jours, épuisant rapidement ses provisions de nourriture. « J’ai quand même eu un plaisir d’être seul sur cette montagne. Au camp 2, je me suis amusé comme un enfant. Je me suis construit un salon en neige et une belle toilette.  »

Quand il a atteint le sommet, il a sorti la photo de Connor (un garçon de deux ans gravement malade) que des grimpeurs ayant dû rebrousser chemin lui ont demandé d’apporter pour eux. « Une fois en haut, c’est comme si ce petit bonhomme était avec moi. J’ai sorti la photo et je l’ai fait tourner pour lui faire voir le paysage. La vue était magnifique. Ça a été un très beau moment ». Le cœur sur la main, il prévoit vivre un moment aussi touchant ce printemps en brandissant à bout de bras le drapeau de la Sainte-Flanelle alors qu’il frôlera le ciel.

Et encore…

Pour tout savoir sur l’expédition de Gabriel Filippi, des sommets qu’il a atteints, de ses conférences et des causes sociales qu’il encourage, visitez www.gabrielfilippi.com.

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