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La revanche des femmes

Depuis quelques années, une déferlante inonde le milieu du plein air : les femmes. Et si c'était par elles que passait l'avenir de certaines activités? 

Pendant trop longtemps, les filles se sont contentées de suivre leur chum en rivière ou en montagne, éternelles deuxièmes dans un milieu carburant parfois à l'adrénaline, souvent à la testostérone. Plus maintenant.
Désormais, les femmes forment une catégorie de pleinairistes à part entière. Elles veulent s'éclater à fond sur des pistes de neige vierge, marcher seules trois mois en sentier, se tremper dans la bouette jusqu'aux quadriceps et découvrir des activités par elles-mêmes ou entre elles. Et ce, même dans des disciplines jugées traditionnellement masculines, comme la survie en forêt.  

" Dans notre forfait de trois jours où on apprend à se débrouiller seul dans les bois en conditions réelles, on accueille de plus en plus de jeunes trentenaires venues relever le défi entre copines; c'est très nouveau et ça devient même une mode ", constate Stéphane Denis, propriétaire du centre d'activités nature Kanatha-Aki, dans les Laurentides.

Plus fortes, ensemble


Club cycliste les Cyclopétards © Mario Gélinas

Celles qui se lancent dans des activités originales et explorent de nouveaux terrains de jeu sont bien souvent motivées par l'envie de se trouver un groupe où elles se reconnaîtront entre elles. C'est sans doute ce qui explique la prolifération et le succès de clubs de vélo 100 % féminins comme les Cyclopétards (vélo de route, dans cinq régions du Québec) ou les Muddbunnies (cyclocross, à Oka). Mais pourquoi un tel engouement?

" Les femmes prennent confiance en elles quand elles se mesurent à d'autres femmes et elles se débarrassent de leur sentiment d'infériorité ", dit Chantal Dunn, présidente du chapitre trifluvien des Cyclopétards. Et celles qui le font sont en augmentation constante. " Quand tu commences à pratiquer le vélo de montagne, tu rides avec des gars, c'est obligé. Difficile de garder ta confiance en toi ", reconnaît Caroline Chu, organisatrice du club les Muddbunnies. 


Les Chèvres de Montagne © Juste.Être.Dehors

" Quand on fait du plein air entre filles, on reste groupées, on ne se lâche pas, explique Claudie Ouellet, copropriétaire de l'entreprise SKY (pour Sup, Kite, Yoga), à Rimouski. Il y a toujours des filles un peu insécures et d'autres qui les encouragent, qui sont attentionnées, empathiques. Entre filles, on revient toujours au plaisir d'être ensemble. " 

Cette tendance à se regrouper entre personnes du même sexe pour pratiquer certaines activités semble être un phénomène exclusivement féminin. Si les hommes ont longtemps occupé l'avant-scène du plein air avec les clubs de chasse et pêche des années 1970, les femmes n'en étaient pas pour autant exclues. Le milieu était très majoritairement masculin, par tradition plutôt que par principe. Mais les choses changent, là aussi. " Aujourd'hui, les femmes sont beaucoup plus nombreuses dans les clubs de chasse et pêche, surtout à la pêche journalière ", précise Sébastien Lepagne, au Centre Castor de Valcartier

On peut même se demander comment réagiraient les femmes si un club ou un évènement se déclarait officiellement " pour hommes seulement "? Certes, les hommes n'éprouvent pas ce besoin collectif de s'approprier un milieu ou de retrouver une confiance en soi perdue…


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Reprendre foi en soi

En effet, c'est bien souvent le manque de confiance en soi - et la crainte d'être jugées par des hommes sur le terrain - qui décourage les femmes de poursuivre leurs ambitions sportives. C'est notamment le cas du ski hors des pentes battues, auquel les filles commencent à s'initier massivement. La preuve : le White Lips, ce festival de hors-piste pour femmes seulement, qui a lieu chaque hiver sur cinq montagnes des Chic-Chocs. 

À cette occasion, chaque groupe de femmes est pris en charge par une " ambassadrice " préalablement formée à la technique de glisse et à la gestion du terrain avalancheux. " Les filles reviennent souvent après trois ou quatre éditions de l'évènement, explique Nikola Falardeau-Drouin, instigateur du White Lips. Elles n'ont pas à craindre de prendre trop de temps pour monter ou redescendre ensuite; le rythme moins trépidant fait partie de l'équation et ça crée une ambiance relax. " 

Torrent © Fred Tougas

Même chose durant l'évènement Torrent, consacré au kayak d'eau vive, que le même Nikola Falardeau-Drouin organise en été sur la rivière Rouge, selon le même principe, celui des " filles qui montrent à des filles ". " On assiste à un changement de garde ces dernières années, dit-il. L'été prochain, une cinquantaine de filles s'initieront à la technique en eau vive, soit plus du double qu'il y a cinq ans! ", explique l'organisateur. 

Si ce type d'évènement exclusif a un effet certain sur la pratique féminine, il en va de même sur la popularité de certaines activités. En se " féminisant ", le ski hors-piste et la descente en eau vive se sont démocratisés et ont donné naissance à un nouveau bassin de pratiquants réguliers. Dans certains clubs de marche, huit randonneurs sur dix sont des femmes, bien souvent en quête de liens. Et si le bouillonnement du plein air tenait aujourd'hui à l'essor massif de la gent féminine?

Cet essor se reflète dans l'émergence d'équipements spécialisés qui répondent aux besoins des femmes. Voilà qui démontre qu'on n'a pas affaire à une mode, mais bien à une tendance de fond, et qui prouve que les femmes ne sont pas seulement de passage dans certains sports : elles sont là pour rester… et pour gagner. 

Les femmes dans la course!

Une fois démystifié l'accès à certaines activités, il n'est pas rare que les femmes performent et montrent des aspirations compétitives. " Même si on se mesure les unes aux autres, entre nous, on se comprend ", résume Katia Bélanger, l'une des Québécoises inscrites à la première édition du trek Rose Trip, réservé aux femmes, qui aura lieu en septembre au Maroc. 


© Trek Rose Trip

L'évènement, organisé par l'entreprise française Désertours (qui organise aussi le rallye Rose des Sables et le Raid 4L Trophee), est une course de trois jours dans le désert, sans GPS et 100 % hors-piste. " Après ce genre de défi, beaucoup de femmes reviennent transformées, dit Rémi Pollée, de Désertours. Elles vivent souvent un revirement personnel et professionnel, elles gagnent en confiance et sont marquées à jamais. "

Cette confiance en soi crée un engouement chez d'autres femmes et en devient presque un mouvement collectif. " Longtemps, la place des femmes sur un voilier se résumait à se faire bronzer sur le pont, résume Michèle Cantin, monitrice de voile et instigatrice de la Coupe Fémina, une régate 100 % féminine. La course amicale est une manière de reprendre le leadership sur un bateau, et de réveiller une ambition dormante, un souci de dépassement, de l'audace et de la motivation. "

D'année en année, la régate féminine accueille un nombre croissant de femmes, même débutantes, qui apprécient particulièrement l'esprit de camaraderie et de saine compétition qui l'anime. Mieux encore : l'évènement lorgne du côté de la relève, avec une classe pour les 15 à 17 ans menée en collaboration avec plusieurs écoles de la région de Québec. Brillant, quand on sait que selon une étude menée par Kino Québec en 2014, le désengagement des filles à l'égard de l'activité physique survient durant leur passage entre le primaire et le secondaire. 

Une façon de s'attaquer à la confiance en soi… à la source.

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