Rechercher dans le site espaces.ca
  • © David Liano

L’Everest, montagne de déchets

Habitué du toit du monde, l’alpiniste Gabriel Filippi a pu constater, au printemps dernier, à quel point déchets et détritus s’y accumulent. Comment redonner du lustre à la plus haute montagne du globe? Explications, pistes et solutions.

18 mai 2018, 9 h du mat’. Deux de mes clients sont au sommet de l’Everest. Se laissent éblouir par les lieux. Prennent quelques clichés, puis entament la descente. Assistés de sherpas, ils s’arrêtent au camp 4 et au camp 3 pour tout récupérer ce qui a été apporté.

Deux jours plus tard, toute l’équipe se retrouve au camp de base. L’expédition est terminée, il ne reste plus qu’à tout trier, emballer, recycler, jeter. Au départ, il ne subsistera plus aucune trace de notre passage, comme l’exige le gouvernement du Népal lorsqu’il délivre un permis d’ascension pour l’Everest. Et la très grande majorité des expéditions commerciales y adhère.

Or, comme en toutes circonstances, certains aiment bien contourner les règles, pour ne pas dire les bafouer. Sur l’Everest, le camp 4 demeure l’endroit idéal pour être délinquant. Perché à près de 8000 mètres d’altitude, personne n’y surveille les agissements déviants. Bouteilles d’oxygène vides, déchets et bouffe non utilisée jonchent le sol aux côtés de tentes abandonnées. Une fois de retour au camp de base, on dira que le camp a été détruit par de forts vents et qu’il ne restait plus rien, ou encore qu’un autre groupe a volé les bouteilles, les tentes et la bouffe...

Les histoires inventées par ces malappris sont du même acabit que celles racontées devant un juge par celui qui conteste une contravention et qui est considéré comme innocent jusqu’à preuve du contraire : difficile de le condamner, il y a doute raisonnable. Alors comment épingler cette poignée de grimpeurs sans scrupules, qui donnent mauvaise réputation au sport, aux alpinistes et à l’Everest?

D’abord, quelques photos, deux ou trois vidéos captées à l’aide d’un téléphone et hop! on remet le tout entre les mains du SPCC (Sagarmatha Pollution Control Committee).

© David Liano

Le gouvernement népalais, par l’intermédiaire de son ministre du tourisme, doit encourager de tels efforts en sanctionnant sévèrement les coupables. Une amende salée, c’est bien, mais bannir pendant 5 ans l’entreprise responsable de ces malpropres, c’est encore plus dissuasif. Et à la deuxième infraction, on devrait carrément lui retirer son permis d’exploitation.

Le gouvernement népalais devrait aussi regarder dans sa propre cour, puisque chaque équipe sur l’Everest doit retenir les services d’un fonctionnaire appelé agent de liaison, qui s’assure que toutes les règles sont bel et bien suivies.

Puisque cet agent ne veut pas passer deux mois dans une tente au camp de base, à 5350 m d’altitude, et qu’il préfère demeurer chez lui, sous les 30 °C de Katmandou, il arrive qu’il accepte un pot-de-vin et ne se pointe pas à la montagne. Embaucher des sherpas à la retraite pour agir comme agents de liaison serait déjà un bon pas dans la bonne direction pour éradiquer ce problème.

Le pouvoir d’attraction de l’Everest est là pour durer. Et ce serait rêver en couleurs de penser que le gouvernement népalais va réduire le nombre de permis délivrés chaque année : l’industrie du toit du monde est payante, très payante même. Il faut donc trouver d’autres solutions.


À lire aussi : Un Everest de plus en plus touristique


Insister sur l’éducation, le tourisme écoresponsable et le Sans trace sont autant de bonnes pistes à suivre. C’est la responsabilité de chacun de prendre soin de l’environnement, et celle de chaque fournisseur de services de s’assurer que ses clients (ainsi que son personnel) suivent les règles établies.

Pour sa part, le gouvernement doit travailler de concert avec les différents organismes qui œuvrent à protéger le parc national de Sagarmatha. Depuis quelques années, des entreprises locales et nationales ainsi que des groupes internationaux participent à y implanter des initiatives qui suivent les principes du développement durable. Pour l’année en cours, la compagnie aérienne Tara Air promet, par exemple, de transporter 100 tonnes de déchets en dehors de la grande région de l’Everest. Au printemps dernier, pas moins de 30 tonnes de détritus ont ainsi pu être récoltées, puis évacuées de la zone.

Depuis 2010, le SPCC travaille par ailleurs avec l’équipe qui a lancé le projet Mount Everest Biogas, qui transforme les déchets humains en biogaz. Un autre programme, baptisé Cash for Trash (De l’argent contre des déchets), permet aux sherpas de recevoir un certain montant pour chaque kilo de détritus redescendu au camp de base. L’utilisation d’une toilette portable avec sac biodégradable par grimpeur serait aussi une bonne solution, qui a déjà fait ses preuves sur le mont Denali, en Alaska.


À lire aussi : Everest, un trek tout inclus... sauf l'oxygène


Cela dit, la situation sur l’Everest n’est pas aussi critique que le laissent croire les images véhiculées dans le grand public, et on est loin des 13 millions de tonnes de déchets de plastique qui flottent dans les océans du globe. N’empêche qu’un certain laisser-aller prévaut chez une poignée d’opportunistes et le gouvernement népalais doit donc mettre son pied à terre et adopter la ligne dure avec les fautifs. Il en va de l’image de l’Everest et de l’alpinisme, qui doivent tous deux retrouver leurs lettres de noblesse.

Commentaires (3)
Participer à la discussion!

apipolardo - 30/08/2018 08:23
Je veux élaborer un projet de sculpture dans le solukhumbu à partir de la récupération de bouteilles d'oxygène. J'imagine que celles-ci se trouvent principalement en très haute altitude, dans les camps élevés. Mis à part le SPCC, y aurait-il d'autres organismes qui pourraient me renseigner à ce sujet ? Merci
Yodabee - 22/08/2018 10:25
Très intéressant.
Je suis allé au camp de base de l'Everest il y a 9 ans; j'avais 63 ans.
J'étais trop fatigué pour descendre la côte. lol
De là où j'étais, je n'ai pas vu de détritus mais j'étais probablement trop loin.
Y en avait-il d'ailleurs d'après vous ?
Yodabee - 22/08/2018 10:24
Très intéressant.
Je suis allé au camp de base de l'Everest il y a 9 ans; j'avais 63 ans.
J'étais trop fatigué pour descendre la côte. lol
De là où j'étais, je n'ai pas vu de détritus mais j'étais probablement trop loin.
Y en avait-t'il d'ailleurs d'après vous ?