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  • Crédit: Jon Bilous, Shutterstock

Traversée des Présidentielles : le paradis tout près

Complètement zombie! Le corps torturé par huit jours de marche exténuante, nous avons monté jusqu’à notre destination finale au rythme des morts-vivants. C’est dire comment l’apparition salvatrice du refuge en pierre de Carter Notch, coincé entre un paradisiaque lac de montagne et une paroi vertigineuse, nous a plongés en état de grâce !

En l’espace de quelques secondes, les émotions se sont succédé. D’abord un soulagement a allégé nos épaules. Puis le bonheur et la fierté ont gonflé notre poitrine. Et enfin tout notre être a été envahi par un sentiment d’accomplissement. Très fort, ce sentiment!

Les Présidentielles s’étirent de Franconia Notch à Wild Cat Mountain. Le sentier fait le trait d’union entre les denses forêts de conifères, à l’est de Crawford Notch, et les incroyables paysages rocheux du massif du mont Washington. Il serpente à travers des éboulis rudes pour les chevilles, des ascensions sans pitié pour les cuisses et des descentes mortelles pour les genoux. Il mène vers des sommets à rendre béat, des belvédères où le silence s’impose, des rivières que l’on bénit et des clairières aussi apaisantes qu’une abbaye.

Ce tronçon de l’Appalachian Trail est jalonné de huit refuges, communément appelé « The Huts », à distance d’une journée de marche l’un de l’autre. Chacun de ces chalets montagnards, construits par l’Appalachian Mountain Club entre 1888 et 1966, est un havre de quiétude. Ils sont de véritables temples emplis d’histoire et de traditions alpines. Le bonheur de franchir les portes d’un de ces gites ne s’estompe jamais.

Crédit: André Laroche

Dès qu’on y met les pieds, on est gagné par un étrange réconfort. Est-ce à cause de l’odeur de soupe, de plats mijotés et de pain imprégnée dans les murs après des décennies d’hospitalité? Peu importe la raison, on sent aussitôt qu’on fait partie de la famille. En ces lieux, tout respire la simplicité, l’authenticité et la confiance. Pour s’y servir du café, de la limonade ou des pâtisseries, il suffit de laisser un dollar sur la table. C’est fou comme un geste si simple nous redonne foi en l’humanité!

Le confort des gites est rustique. On y couche dans des lits superposés dans des dortoirs de quatre à 12 personnes. Les toilettes sont sèches, l’eau n’est que froide et les prises de courant se font rares. Tant pis pour les iPod et autres appareils. Mais nul ne s’en plaint.

Une nuit dans un gite (à partir de 118 $ US par adulte non membre) inclut le souper et le déjeuner. Chaque repas est un moment fort de camaraderie, voire un pur plaisir. Coude à coude autour de longues tables en bois, on se passe les plats de bœuf braisé, de lasagne végétarienne, de poulet au gingembre, de salade du jardin ou de soupe aux lentilles. On discute, on rit, on se confie. Peu importe si l’on est charpentier, professeur d’économie, col bleu ou journaliste, on redevient l’espace d’un repas des femmes et des hommes, simples et égaux.

Dans la soirée, on peut participer à des ateliers sur l’histoire de la région, la délicate flore de montagne ou l’énergie renouvelable. Certains préfèrent un roman, d’autres un jeu de cartes. On panse nos blessures, on répare notre équipement, on étudie les sentiers du lendemain. Au couvre-feu de 21 h 30, plusieurs ronflent déjà. Les bouchons d’oreille sont souvent utiles.

Le lendemain, après un copieux déjeuner de crêpes, d’œufs brouillés et de bacon, on se salue avant d’aller découvrir de nouveaux sommets. Certains reviennent au gite pour une seconde nuit ou vont découvrir les deux ou trois huts suivantes. D’autres retournent simplement chez eux.

« De retour aux obligations », a soupiré un matin un chirurgien cardiaque du Rhode Island rendu à la retraite. La veille, au souper, il avait confié son désarroi devant cette difficile étape de vie. Toute sa vie, il avait été d’abord un médecin. Qui serait-il désormais? Avant de partir, nous lui avons souhaité de trouver la paix. Le dernier soir, étendus dans le dortoir du gite de Carter Notch, nous sommes demeurés pensifs. Nous avons repassé le sentier dans nos têtes. Au-delà du défi relevé et des merveilles aperçues, cette longue marche nous a amenés aux confins de nous-mêmes. On s’y est vus merveilleux !

Hébergement : outdoors.org/lodging
Navette : outdoors.org/shuttle

Crédit: André Laroche
Journal d'expédition
Jour 1

Nous laissons notre voiture au centre de visiteurs de Pinkham Notch, au pied du mont Washington. Nous prenons une navette jusqu’au camping Lafayette, situé à 80 km à l’ouest. Le gite de Lonesome Lake n’est situé qu’à 1,6 km du camping avec un dénivelé d’à peine 300 mètres. La distance se franchit en un peu plus d’une heure.

Jour 2

Nous redescendons au camping Lafayette avant de grimper jusqu’au gite Greenleaf par le sentier Old Bridle Path. L’ascension de 744 mètres met nos jambes à l’épreuve. On parcourt les 7,5 km en quelque cinq heures. Pluie et brouillard rendent la visibilité nulle. Dommage.

Jour 3

Destination : le gite de Galehead. Une journée épuisante de 12,4 km franchis en dix heures. D’abord l’ascension finale du Lafayette (1 603 mètres), puis une descente dans un col profond avant de grimper le mont Garfield (1 372 mètres). Le sentier, parfois primitif (du genre à descendre dans une cascade), demande un effort soutenu. 

Jour 4

Ce tronçon de 11,3 km débute par la rude ascension du sommet sud du mont Twinway (1 494 mètres). Mais le reste du sentier se déroule sur un plateau sans véritable dénivelé. Il se termine cependant par une descente abrupte vers le gite de Zealand Falls. Une autre journée de six heures.

Jour 5

Le prochain gite, Mizpah Spring, est situé à 13,1 km. On arrête au Highland Center, à Crawford Notch, pour diner. Nous récupérons un providentiel sac de ravitaillement (nourriture et vêtements propres) laissé à la réception lors d’une halte de la navette, le premier jour. On paresse au soleil avant de retourner sur le sentier. Sept heures de marche en tout.

Jour 6

Facile et extatique. Le gite de Lakes of the Clouds se situe à 7,7 km avec un dénivelé de 380 mètres. Comme on marche au-dessus de la cime des arbres, les points de vue époustouflants se succèdent. Merci au ciel sans nuage. À destination en trois petites heures de pur bonheur.

Jour 7

Une journée en deux temps. La première partie du trajet de 12 km se marche aisément. Mais le mont Jefferson dépassé, le sentier traverse un pierrier instable. Nos jambes fatiguées trouvent difficile la dernière et longue descente vers le refuge Madison. Une autre journée de sept heures.

Jour 8

Un véritable marathon de quelque 15 km pour atteindre le gite de Carter Notch. D’abord la descente abrupte d’environ 1 200 mètres par les sentiers Parapet et Osgood. Puis une agréable marche le long de la rivière Peabody sur le sentier Great Gulf avant de déboucher sur la route 16. Il faut marcher à peu près 1,6 km sur l’accotement pour se rendre au stationnement du sentier 19-mile brook. Il faudra trois heures pour parcourir les 6 km d’une ascension de 580 mètres.

Jour 9

On revient sur nos pas sur le sentier 19-mile brook en deux heures et demie.

















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