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Trimaran et catamaran La grande séduction

C’est un catamaran mais avec trois coques plutôt que deux. Un voilier qui se manœuvre un peu comme un kayak de mer. Une grand-voile, un foc, des écoutes, un trampoline, voici le trimaran, filant et s'inclinant sans chavirer. L'embarcation idéale pour s'initier aux sensations de la voile. « Il est où le terrain de cricket ? » que je demande à Gilles sur le chemin entre l’aéroport et Havre-Saint-Pierre. « Pardon ? » « Je pensais que vous jouiez au cricket dans le coin » lui dis-je en sortant un stéthoscope de mon sac. « C’est pas ici qu’ils ont tourné le film, en fait c’est pas mal plus au nord ». Pas mal plus au nord. Je suis à plus de 1000 kilomètres de Montréal, dans un petit village de 3000 habitants, et je me sens plus loin de chez moi que dans certaines cités perdues au milieu des Andes.

Sauf qu’ici, on s’exprime dans la même langue, à une ou deux expressions près; on mange le même genre de bête, à quatre ou cinq livres le homard près; et on vit dans le même genre d’habitation, à un ou deux pick-ups en dessus du carport près.

Cinq jours. C’est tout ce que j’avais pour apprivoiser le trimaran et faire connaissance avec la Minganie, cet archipel d’îles où le Saint-Laurent s'élargit et se divise en deux détroits entourant l'île d'Anticosti. On n’a donc pas perdu de temps. Quelques heures après mon arrivée au Havre, l’équipement, les tentes et les provisions étaient dans la coque centrale du voilier, le voilier était à l’eau, l’eau était sur mes pieds, mes pieds étaient gelés, marilon marilé, et on a appareillé.

Portés par la brise

À la différence d’un catamaran, le trimaran a donc trois coques. Sa structure contribue à le rendre pratiquement impossible à chavirer, ce qui est rassurant dans une région reconnue pour la puissance de ses vents et la froideur de ses eaux… Elle permet en plus le transport d’une grande quantité de matériel et de provisions à l’intérieur de la coque centrale. La composition de celle-ci, en polyéthylène, un matériau incassable, lui assure une résistance aux éventuels chocs des récifs et autres obstacles présents dans l’archipel.

Entre le Havre et l’île Niapiska, notre destination pour la première nuit, quatre heures se sont écoulées. Quatre heures à se laisser porter par une brise  presque trop timide pour être qualifiée comme telle. Faute de vent, mon initiation au trimaran allait être retardée pour faire entièrement place à la rencontre de mon guide Gilles, un navigateur tripeux de plein air et une encyclopédie ambulante de la faune, de la flore, de la géologie et de l’histoire de la Côte-Nord.

Agaguk, alias Gilles (c’est que dans le coin, presque tout le monde a un surnom) est arrivé au Havre en kayak de mer, en plein hiver de 1994. Parti de Blanc-Sablon, il a émergé du golfe et marqué l’imaginaire des gens de la place qui lui ont donné le nom du personnage d’Yves Thériault. Agaguk, la petite entreprise d’aventures plein air qu’il allait fonder était par le fait même baptisée.

Confortablement assis sur un petit banc en nylon installé sur le trampoline, c’est mon baptême théorique de la navigation et des vents qui s’opère.

L’effet de Venturi, m’explique Gilles, est le phénomène d’accélération des vents et des courants résultant de la présence des îles de l’archipel, qui agissent comme des brise-lames. Les chenaux qui les séparent ont tendance à accélérer les vents et les courants qui s’y engouffrent, un peu comme le ferait du liquide forcé de passer par l’étranglement d’un entonnoir. C’est noté. Je ne m’aventurerai pas dans le coin sans la présence d’un guide chevronné.

Après quatre heures à se laisser porter, par la brise et les histoires, on a accosté sur l’île Niapiska. Située au-delà du 50e parallèle, comme la quarantaine d'autres îles calcaires qui composent l’archipel, la mince rive rocailleuse de Niapiska se transforme rapidement en une dense forêt de conifères typiques de la taïga. Notre site de camping est juste assez près de la rive pour que la houle serve de bruit de fond au crépitement du feu. Une grande variété de plantes alpines nous entourent, certaines étant reconnues comme rares et vulnérables.

Moussaillon à la barre

C’est le lendemain, dès notre départ de Niapiska, que mon initiation au trimaran commence. Après s’être levé de son poste de commandement à l’arrière du voilier pour s’asseoir sur le trampoline en face de moi, Gilles pointe l’endroit qu’il vient de quitter. Je suis installé à l’arrière de la coque centrale, deux pédales reliées au gouvernail se trouvent sous mes pieds. Comme dans un kayak de mer, il suffit d’appuyer sur la pédale de droite pour aller à droite et sur celle de gauche pour aller à gauche. Ce qui laisse les deux mains libres pour contrôler trois écoutes (bouts des cordes servant à orienter les voiles); deux pour le foc — la petite voile en avant qui ajoute à la puissance de la grande et qui complète son travail en prenant un angle approprié —, et une pour la grand-voile.

Sur la presque totalité des voiliers, le barreur (celui qui dirige l’embarcation à l’aide d’une barre reliée au gouvernail) doit être accompagné d’au moins un matelot qui s’occupe du maniement des voiles et des cordes. La configuration du trimaran fait en sorte que le barreur manœuvre aussi les voiles, le gouvernail étant contrôlé par ses pieds. Dans des conditions appropriées, un trimaran peut donc être opéré par une seule personne.

À moins de 15 ou 20 nœuds, la présence d’une deuxième personne sur l’embarcation ne changera pratiquement rien à la performance du bateau. Mais quand le vent souffle suffisamment, le contrepoids qu’offre le matelot sur le flotteur qui reste hors de l’eau permet de réduire l’immersion du flotteur opposé et donc sa résistance à la surface de l’eau. Lorsque le vent souffle vraiment, le matelot peut sortir en trapèze en s’attachant à l’aide d’un harnais à la structure de l’embarcation. Debout sur le flotteur, ses pieds sont les seuls appuis qu’il garde, son contrepoids étant ainsi maximisé.

En moins de quatre jours, à raison de quelques heures de navigation par jour, il est impossible de maîtriser ne serait-ce qu’une infime partie de ce que représente l’art de la navigation et de ce qui l’entoure (le matériel, les nœuds, les conditions maritimes et atmosphériques, etc.). En revanche, avec un peu de persévérance, il est possible d’avoir un premier sentiment de contrôle sur les éléments de base de l’embarcation, à savoir ceux que l’on contrôle avec nos deux pieds et nos deux mains. Pour ce qui est des éléments naturels, je ne pense pas que le meilleur des marins puisse sentir qu’il contrôle ou le vent ou la mer. Mais il apprend certainement à gagner leur respect.

En ce qui me concerne, faute de gagner son respect, j’ai néanmoins fait véritablement connaissance avec le vent lors de ma troisième journée dans l’archipel des îles Mingan. Entre deux îles, il est apparu et a fouetté la grand-voile. J’ai bordé, Gilles m’a indiqué la direction à prendre pour éviter les récifs, puis tranquillement notre vitesse s’est accrue. Nous avons passé les récifs jusqu’à ce qu’ils fassent place à la profondeur. Les petites îles sont devenues encore plus petites puis ont disparu. Autour de nous la mer. En face l’horizon. Une légère pluie. Et progressivement, plus d’horizon. Car la brume s’est installée. Tellement qu’on ne voit plus à trois mètres. Le vent siffle. Les vagues frappent contre la coque et les flotteurs. Gilles, qui se fait tremper sur le trampoline, me dirige à l’extérieur de la voie maritime en se fiant à notre GPS. Et moi, à 20 nœuds, je crie comme si je tombais en chute libre. À l’horizontale.

Sur la rive il doit faire 20°C. Au large, 15°C de moins. Mais on a des dry-souts, des combinaisons imperméables et des mitaines qui vont dans l’eau. On est des professionnels. Je suis un grand navigateur.  

Après la tempête, le calme

Aujourd’hui, le trimaran avec lequel on navigue depuis quatre jours se laisse pousser tranquillement sur une mer tellement douce qu’on aurait le goût de la flatter. À quelques mètres droit devant, une bête que je n’ai jamais vue d’aussi près depuis que j’ai lu Moby Dick illustré fait surface.

« C’est un petit rorqual. Il n’a de petit que le nom ... cette bête-là a la dimension d’un camion de bière. Contrairement à la baleine, qui est une « filtreuse », c'est-à-dire qu’elle ramasse le planctonavec ses fanons — de longues lames de cornes plantées dans sa mâchoire supérieure —, le rorqual lui est un « engouffreur ».  Il utilise la surface de l'eau comme une barrière contre laquelle il pousse les poissons et, la gueule bien ouverte, il peut sauter pour engouffrer des dizaines de poissons à la fois. »

Quatre jours à naviguer dans un archipel d’îles bordées de monolithes, accompagnés par des créatures marines tout droit sorties d’une fable. Ça donne juste le goût de prendre une deuxième leçon. Ou une leçon intensive pour quelques années.

« Est-ce qu’on est au ciel maman ? ». La question venait d’une petite fille assise en arrière de moi dans l’avion qui nous ramenait en ville.

Oui, on est au ciel. Et on y était déjà un peu avant de décoller.

 

Guide de départ

Agaguk offre plusieurs types d’excursion de voile-camping en fonction de la durée, du nombre de participants et de l’expérience de ceux-ci. À titre d’exemple, une sortie de trois jours pour deux personnes coûte 345 $ par personne. Des expéditions en kayak de mer sont aussi offertes.
Info : 1 866 538-1588 et vhttp://www.expedition-agaguk.com

Québecair Express assure une liaison quotidienne entre Montréal et Havre-Saint-Pierre (et l’inverse), avec arrêt à Québec. Durée : 3 h 40 (2 h 35 de Québec). Le tarif « Bon Premier » basé sur l’achalandage de chaque vol donne un escompte au voyageur. L’aller-simple débute à 98 $ et peut aller jusqu'à 488 $.
Infos :  www.quebecairexpress.com

 

Initiation au catamaran

Le trimaran n’est pas encore tellement pratiqué au Québec. Il existe par contre plusieurs écoles offrant des cours de catamaran. En voici quelques-unes :

École de voile Sansoucy

L'École de voile Sansoucy offre différents cours en solitaire ou en groupe. Vous pouvez aussi y louer un catamaran ou un dériveur. Située à 45 minutes de Montréal.
www.mystere.ca et (450) 472-8042

 

École de voile de Lachine

Établie depuis 1976, l'École de voile de Lachine est un organisme à but non lucratif dont l'objectif est de promouvoir et de faciliter la pratique de la voile. Elle donne accès au lac St-Louis; on y offre des cours de catamaran, de dériveur et de planche à voile.
www.ecoledevoiledelachine.com et (514) 634-4326

Club Multivoile 4 saisons

Situé en bordure du lac St-Pierre (près de Trois-Rivières), ce club offre une formation de 2 1/2 heures sur catamaran pour des groupes de 4 personnes. Le cours de 7 heures sur dériveur est exigé.
www.multivoile.com et 1 866 343-5454

École de voile Le Cormoran

L’école, située dans la baie de Gaspé, offre des cours d’initiation et de perfectionnement sur Hobie Wave 14' et Nacra Blast 16'. Cours de niveau Bronze 4-5 sur demande.
(418) 368-81

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