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  • Crédit: Ferran Traite Soler, iStock

Les zecs : une chasse gardée?

Incursion dans un monde encore méconnu: les zecs. Notre terrain de jeu préféré comporte ses limites. Entre exploitants industriels, chasseurs, pêcheurs et amateurs de plein air, tous souhaitent récupérer leur bout de forêt. Le premier parc voué à la conservation de la nature voit le jour en 1895 au Mont-Tremblant. À la même époque où ce ne sont que les mieux nantis de la société qui peuvent se payer le luxe de se ressourcer dans l'arrière-pays. Les clubs privés et pourvoiries du Québec feront des jaloux pendant plus d'un siècle avec leur système de droits exclusifs. Au début des années 1970, l'intérêt populaire pour la chasse et la pêche pousse les autorités à récupérer certains territoires pour en offrir un accès libre. En 1978, le gouvernement choisit de reprendre le contrôle de la ressource faunique et fonde un modèle territorial unique en son genre : les zones d'exploitation contrôlées (ZEC). Le système est géré par des administrateurs publics, mais également par des usagers bénévoles. Les chasseurs et pêcheurs québécois peuvent enfin profiter librement de la nature. Un an plus tard, au Mont-Orford, le premier parc voué à la récréation (sans exploitation des ressources) fait son apparition.

Trente ans plus tard, les mots « plein air » évoquent une réalité du loisir modifiée et le réseau d'établissements où l'on peut s'adonner aux activités de « plein air » s'est étoffé au rythme d'une demande croissante. Dans les zecs, on dénote une certaine stagnation de la clientèle. « Ce n'est pas que la clientèle traditionnelle est en déclin, mais plutôt que la demande pour des infrastructures de plein air est en hausse. Les générations précédentes ne voyaient dans le plein air que les mots « chasse » et « pêche », alors que les nouvelles générations d'usagers y incluent des notions d'activités récréotouristiques contemplatives. La transition se fait lentement et le changement de garde se fait sentir depuis trois ans », explique Jean-Claude D'Amours, directeur général à la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs (FQGZ). Ce qui est en accord avec l'un des principes fondateurs des zecs : l'accessibilité au plus grand nombre. Il ajoute toutefois que pour démocratiser plus rapidement l'offre, il faudrait que les amateurs de plein air s’impliquent autant que les chasseurs et pêcheurs. Car l’offre de ces zones est conditionnée par leur mode de gestion particulier et par les intérêts de leurs usagers locaux plutôt que par des « touristes urbains de passages ». Encore méconnus du grand public, les territoires sauvages des zecs recèlent pourtant des attraits et des paysages au potentiel de mise en valeur indéniable. Par exemple, il est dommage qu’on ne trouve pas assez de grimpeurs locaux sur la Côte-Nord pour développer les secteurs des zevs Matimek et Forestville qui sont magnifiques.

Malgré cela, certaines zecs passent à l'action et les projets se multiplient pour attirer les adeptes de plein air. À la zec Martin-Valin (Saguenay), le canot-kayak-camping est solidement établi depuis 2003 avec des campements, des portages, un balisage sur mesure et même un service de navette. À la zec Forestville, les pagayeurs ont à leur disposition un livre-guide de canotage, produit par Hydro-Québec lorsqu'elle a détourné la rivière Sault-aux-Cochons. En Beauce, à la zec Jaro, on lance cet hiver un projet-pilote de locations de yourtes, une initiative qui pourrait bien attirer les randonneurs en raquette. « On avait auparavant tenté d'offrir un sentier de ski de fond, mais on s'est rendu compte au bout de trois ans que l'entretien était trop cher pour notre budget », mentionne Gilles Paquette, le directeur de la zec Jaro. De toute évidence, certaines activités (comme la randonnée pédestre et le canot-camping) sont plus faciles à développer puisqu’elles attirent autant la clientèle traditionnelle que contemporaine. Elles exigent aussi des dépenses moins imposantes. Le niveau de développement de l'offre plein air n'est actuellement pas égal d'une zec à l'autre. Il faut donc faire ses recherches pour trouver ce qui s’adressent à vos intérêts.

À l'extrémité sud des Cantons-de-l'Est, le territoire de la zec Louise-Gosford est administré en partenariat par six organismes municipaux et régionaux aux intérêts diversifiés. C'est un des rares endroits où l'on a aménagé, en plus des sentiers de randonnée à pied ou en raquette, des parcours dédiés au vélo de montagne qui ont un vif succès. Mais avec la multiplication des intérêts viennent aussi les frustrations entre les différents usagers : « Quand la chasse n'est pas bonne, il y en a qui mettent le blâme sur la présence des amateurs de plein air. Inversement, certains randonneurs sont mécontents de ne pas avoir accès aux sentiers en automne », souligne Claude Gosselin, préposé chez Gestion Mont Gosford, un organisme qui cogère le territoire de la zec. Il spécifie que cette problématique est possiblement due au fait que le territoire à partager dans cette zone est restreint : « On réfléchit actuellement à l'idée que le secteur Gosford de la zec puisse changer de statut et devenir une sorte de parc régional. »

Selon Jean-Claude D'Amours de la FQGZ, avec l'évolution de la demande, c'est la question de la cohabitation avec les exploitants industriels qui est moins facile : « Ils n'ont pas de problème avec les aménagements au profit de la faune, mais si c'est pour la préservation du paysage, c'est moins évident! »

Pour les amateurs de plein air, un séjour dans une zec présente certains avantages : il n'y a pas de contrainte d’emplacement pour planter sa tente, on peut ramasser le bois mort au sol pour faire son feu de camp sans crainte d'une amende et la récolte des petits fruits est permise. On y favorise une certaine forme d'autonomie du client (moins de balisage dans les sentiers et possibilités de location d'équipement restreintes) en échange de tarifs concurrentiels. L'éventuel développement des infrastructures dédiées au plein air (on prévoit un guichet unique de réservation sur le web pour 2013) fera peut-être augmenter les coûts d’accès. En attendant, à nous d’en profiter!

 

Zec vs Sepaq

Coût d'une fin de semaine d'été sous la tente en famille (deux adultes, deux enfants), avec une journée de randonnée pédestre et une autre à profiter d'un canot loué :

Zec Lavigne : 62 $
Parc du Mont-Tremblant : 120 $
Réserve faunique Rouge-Matawin : 89 $

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Coût d'une fin de semaine d'hiver en refuge (deux adultes, deux enfants) avec activité de raquette + transport de bagages :

Zec Louise-Gosford : 196 $
Parc du Mont-Mégantic : 232 $
Réserve faunique Portneuf : 197 $

 

 

Trans-zecs : un projet fédérateur

Au printemps 2010, l'aventurier Pierre Bouchard, bien connu pour ses épopées cyclistes autour du monde avec sa compagne Janick Lemieux, conçoit une idée plus « locale » : traverser la province en vélo d'ouest en est, de la rivière des Outaouais jusqu'au fjord du Saguenay par les seuls chemins forestiers. Rapidement, il se rend compte que le parcours de 1 100 km est possible en enchaînant les routes de traverse de 15 zecs, trois réserves fauniques et un parc national.

Il contacte la FQGZ et soumet son projet, question d'avoir un peu d'aide au niveau de la logistique d'accès aux différents territoires. Après 14 jours de route (en deux étapes) et un travail de documentation, Pierre Bouchard est conquis : « Les paysages sont fabuleux et l'accueil, tant au niveau des dirigeants que des usagers rencontrés sur le terrain, a été plus que chaleureux. Avec du balisage et des cartes guides, quelques aménagements au niveau du camping, le potentiel cyclotouristique serait indéniable, même si cela s'adresse à des adeptes de niveau intermédiaire. Ce pourrait être notre Route Verte du vélo de montagne! » L’organisme Vélo-Québec s'est montré intéressé par l'idée et la FQGZ a clairement mentionné qu'elle était prête à mettre la main à la pâte. À suivre.

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