Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit: Willie B. Thomas

Course minimaliste : mode ou (r)évolution?

Les souliers minimalistes comptent pour près de 25 % des achats de souliers de course aux États-Unis, selon SportsOneSource et l’Outdoor Industry Association. Soit une augmentation de plus de 100 % par rapport aux ventes de 2010. Plus près de chez nous, la boutique Endurance de Montréal (qui possède la plus grande sélection de souliers minimalistes de la région) propose 40 modèles minimalistes. Deux fois plus qu’en 2009.

Il y a deux ans, la boutique vendait déjà des souliers minimalistes. En fait, elle en vend depuis plus de 25 ans. « On vend les mêmes souliers, mais on ne les vend plus à la même clientèle. Ce genre de souliers minimalistes était acheté comme soulier de compétition, des racers », précise Pierre Léveillé, directeur de la boutique. En plein dans le deuxième « running boom » de l’histoire de la course à pied qui redéfinit la course comme un sport participatif, on se retrouve avec une explosion de coureurs récréatifs… qui veulent maintenant des modèles compétitifs. Incohérent? Pas si l’on connaît toute l’histoire.

Avant 1970, la course constituait un sport d'élite, pratiqué par des athlètes encadrés, soucieux de la mécanique d’une bonne foulée et d’un plan d’entraînement efficace. Ces coureurs chaussaient des souliers de course « compétitifs », dont le poids moyen se situait autour de 7 oz et dont les caractéristiques pourraient être qualifiées de minimalistes, si un tel mouvement existait alors. Par sa victoire au marathon des Jeux olympiques de 1972, le charismatique coureur Frank Shorter inspira bien des gens à se mettre à la course. Ce fut le début du premier « running boom ». De nombreuses personnes se mirent à la course et cette « masse » était plus habituée marcher, donc à mettre le talon à terre en premier. Un pied devant l’autre, sans encadrement, ces coureurs changèrent le portrait du coureur moyen : alors qu’en 1964, plus de 76 % des coureurs atterrissaient sur la plante du pied (un appui qui permet une absorption plus efficace de l’impact), en 1983, 80 % des coureurs « attaquaient du talon ». Les blessures sont alors courantes : 79 % des coureurs se blessent à un moment ou l’autre de l’année. En réaction, les manufacturiers produisent des souliers « coussinés » afin de minimiser l’effet néfaste des chocs sur le corps.

Malgré cela, certains se blessent encore. Christopher McDougall, journaliste curieux et coureur blessé, enquête sur son mal de pied auprès des Indiens Tarahumara, une tribu mexicaine aux légendaires coureurs de longue distance. De cette quête naît en 2009 le livre Born to Run, dans lequel une étude étonnante révèle que les humains devraient leur survie dans l’évolution à leurs aptitudes pour la course de longue distance. Selon cette étude de Daniel Lieberman, docteur honorifique du département de biologie humaine évolutive de l’Université de Harvard, le corps humain est fait pour courir : la foulée est naturelle et le pied est souple et musclé, avec une densité osseuse saine afin de bien répondre au stress de la course. Mais les traditionnels souliers de course « artificialisent » la foulée et fragilisent le pied, exacerbant le risque de blessures.

Voilà le deuxième « running boom » : l’auteur rend la course naturelle. Le livre devient un best-seller. Beaucoup de coureurs sont charmés par cette découverte. Les autres le sont par la nouvelle offre de chaussures minimalistes au design séduisant ou par les campagnes de publicité aux slogans libérateurs avec lesquels les manufacturiers de chaussures répondent à cette nouvelle demande.

Deux « running booms » et deux conclusions différentes : tantôt protéger le pied des actions du coureur, tantôt protéger le coureur des caractéristiques du soulier. Le dénominateur commun : la protection. À vous de voir si vous devez protéger vos pieds des souliers ou de votre technique de course!

Six cent cinquante muscles et deux cents os participent dans une foulée. Ce mouvement complexe s’apprivoise et se peaufine avec le temps. Le corps s’adapte, pourvu que sa capacité à le faire soit respectée. Quelques minutes à fouler le béton sans protection pour un pied enclavé depuis des années peuvent avoir une conséquence aussi indésirable qu’une fracture de stress. Vous avez envie d’essayer? Le mot d’ordre est de progresser tranquillement. Une migration vers un soulier minimaliste peut prendre plusieurs mois, à coût de quelques minutes chaque fois. Minimaliste dans vos pieds, mais non dans l’effort!

Crédit: David FreundAnatomie d’un soulier minimaliste

Le « minimalisme » est une tendance qui vise à alléger et simplifier les souliers. Aux yeux des plus extrémistes, le rôle du soulier se résume qu’à protéger des éléments extérieurs comme la température, les surfaces coupantes ou inconfortables. À tout le moins, pour être considéré comme minimaliste, un soulier doit :

- Permettre de conserver une conscience du mouvement et des sensations qui y sont reliées afin de rendre possible les ajustements propriocepteurs du corps (un soulier près du sol avec du support minimal);

- Ne pas entraver la foulée naturelle du corps, notamment son appui au sol et le transfert de son centre de gravité. Un soulier léger avec un poids de moins de 10 oz, un ratio talon-orteil de moins de 13 mm et un espace assez spacieux pour les orteils;

- Laisser le pied bouger naturellement pour qu’il développe sa structure et son élasticité (un soulier flexible avec les orteils près du sol).

Malgré ce que peuvent en dire certains puristes, il peut être pratique de parler de minimalisme comme caractéristique et non comme étiquette : un soulier pouvant être plus minimaliste qu’un autre. La progression peut aussi se passer dans le choix du soulier.

Commentaires (1)
Participer à la discussion!

bella - 19/04/2012 13:20
si on a l'habitude de courir avec un soulier minimaliste et on change pour un tradionnel, est ce qu'il y a aussi des risques de blessure vu que ces derniers sont coussinés au talon et surcompensent? merci.