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  • © Ismaël Raymond

Raid du Fjord : mouliner sur les glaces du Saguenay

L’an dernier, notre collaborateur a pris part au Raid du Fjord, un événement de 32 km de fatbike qui se déroule dans le majestueux décor naturel du Saguenay. Compte-rendu d’une aventure hivernale pas comme les autres.


Pendant un instant, je contemple l’idée de rester là, dans le confort de l’auberge où je loge. Le thermomètre affiche -30 : le vélo n’est pas la première activité qui me vient à l’esprit dans les circonstances. Dehors, la baie des Ha! Ha!, immense anse du fjord du Saguenay, se révèle doucement dans la lumière pure de l’hiver à mesure que s’évaporent les dernières brumes matinales.

Avec un judicieux usage du système de vêtements en multicouche, le temps froid n’est déjà plus un problème. Si on aime bien, par sensationnalisme, exagérer la température avec le refroidissement éolien, on oublie souvent de mentionner que le rayonnement du soleil, en contrepartie, augmente considérablement le confort.


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La veille, j’ai pris connaissance des dernières instructions pour la journée. La logistique est un beau casse-tête pour la petite équipe de passionnés de l’événement dirigé par Guillaume St-Pierre. Cette année, le départ a lieu à Saint-Félix-d’Otis, à environ 25 km de La Baie, un peu en retrait du fjord. Les participants doivent d’abord aller y porter leurs fatbikes, puis revenir laisser leurs véhicules à La Baie, où un autobus les ramènera au point de départ. Cet aller-retour, qui évite aux organisateurs la manipulation des vélos, a pour effet d’augmenter considérablement l’envie d’aller fouler de ses pneus dodus le blanc du paysage aux allures de carte postale.

Il est tombé de 40 à 50 cm de neige sur le parcours dans les 24 heures précédant l’événement. L’itinéraire a donc été écourté de quelques kilomètres afin de contourner une section du fjord devenue difficilement roulable en raison de l’accumulation. À 11 h 30, la quarantaine de cyclistes inscrits au volet compétitif s’élance sous la grande arche gonflable du Raid.


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Pour éviter les embouteillages sur les pistes parfois étroites, les départs subséquents ont lieu toutes les 15 minutes, en petits groupes d’une vingtaine de participants. Je fais partie des derniers valeureux fatteux à entamer l’itinéraire de 32 km (plutôt que les 35 prévus initialement). Avec mon vélo en carbone, j’estime pouvoir boucler le tout en moins de 2 heures. Or, voilà que dès les premiers mètres dans le lac Otis, mon pneu cramponné de 4,5 pouces s’enfonce dans les sillons labourés par la centaine de cyclistes qui m’a précédé. La progression est laborieuse, mais je suis déterminé à avancer rapidement, en poussant mon vélo à la marche s’il le faut — et il le faut. Je rattrape d’autres participants, dont mon ami Yvon, qui semble absolument ravi d’être là même s’il n’avance pas à 5 km/h.

Je me garde bien de sacrer contre toute cette neige tombée la veille, me rappelant que l’événement ne s’appelle pas Promenade, mais bien Raid du Fjord, ce qui ne laisse aucun doute sur sa dimension d’aventure. Ici, on ne nous promet pas une « expérience », mais bien une rencontre sans compromis avec les éléments.


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Après la traversée du grand lac Otis et un passage par des chemins forestiers, la petite frustration est vite dissipée par l’arrivée grandiose sur les glaces du fjord. C’est indubitablement le plus beau segment, flanqué de part et d’autre par le rivage accore de la baie. L’endroit est animé par les amateurs de pêche blanche, dont les cabanes forment un véritable village éphémère et qui circulent allègrement en motoneige. On se plaît à espérer que la cohabitation des cyclistes et des véhicules motorisés puisse être toujours aussi harmonieuse. On s’émerveille, et on tombe. On tombe, surtout. La piste plombée par le soleil est en bonne partie défoncée. C’est le jeu : pour habiter le pays, il faut composer avec ses aléas. Une surface de neige, même damée par une équipe de dévoués bénévoles, ce n’est pas l’asphalte bien adhérent du circuit Gilles-Villeneuve.


© Ismaël Raymond

L’arrondissement de La Baie, qui fait aujourd’hui partie de la ville de Saguenay, est maintenant là. Je suis content d’y arriver, mais il reste encore un long passage par les pistes cyclables enneigées pour atteindre la fin de la course. J’y parviens environ 3 h 45 min après le départ. Le premier, Félix Bouchard, en a mis 1 h 38 min, à une moyenne d’environ 20 km/h; ceux qui n’avaient pas atteint le point de contrôle à l’entrée du fjord à 15 h 45 étaient obligatoirement évacués pour des raisons de sécurité. C’est dire à quel point : 1. le fatbike hivernal attire des cyclistes de fort calibre; 2. les conditions se sont détériorées au cours de la journée. Chacun revient à la maison avec le souvenir d’avoir vécu son propre événement.

Il y a quelque chose de beau à voir une vaillante horde de cyclistes déambuler au cœur du paysage du fjord, dont les origines remontent à des temps immémoriaux. Il ne fait nul doute que ce Raid, qui en est encore à ses débuts, contribuera à mieux donner accès aux glaces du fjord par des moyens de transport non motorisés, et donnera l’occasion aux Québécois de mieux vivre et apprécier leur hiver.


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Le Raid du Fjord

Depuis sa première édition en 2019, le Raid du Fjord ne cesse de gagner en popularité. Présenté en format virtuel via la plateforme Strava en 2021 en raison de la pandémie, l’événement était de retour en 2022 avec 156 participants. Il est sanctionné par la Fédération québécoise des sports cyclistes et offre des volets compétitif et participatif qui s’adressent à tous les niveaux.


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L’organisation entièrement bénévole, sous la présidence d’honneur de Pierre Lavoie, a rapidement démontré son expertise à offrir un encadrement sécuritaire aux participants, qui bénéficient notamment de ravitaillements dans des tentes chauffées tous les 5 km. La qualité du parcours, gratté et damé deux semaines à l’avance, peut néanmoins être affectée par les changements météo.

Le Raid sera de retour à l’hiver 2022-2023 dans un tout nouveau parcours entièrement situé sur les glaces du fjord.


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