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  • Crédit: impossible2possible.com

Record au pôle Sud

Le 7 janvier dernier, un trio d’explorateurs canadiens a pulvérisé le record de la plus rapide marche sans assistance jusqu’au pôle Sud. Ray Zahab, Kevin Valelly et Richard Weber ont parcouru les 1100 km de l’anse Hercules au pôle en 33 jours, 23 heures et 30 minutes. Tous les trois des habitués des expéditions extrêmes, ils nous racontent leur dernier défi.

Pourquoi se lancer dans une telle expédition?

Ray Zahab : J’ai couru un peu partout dans le monde, notamment dans des déserts [il a participé deux fois au marathon des Sables] et j’ai mis en place des projets éducatifs pour les enfants comme Impossible 2 Possible. Avec ce projet, j’interviens dans les écoles et je montre aux jeunes que ce qui paraît impossible ne l’est peut-être pas tant que ça. Je voulais faire une expédition liée à ce thème et je me suis demandé quel était l’endroit sur terre le plus difficile à atteindre. J’ai tout de suite pensé au pôle Sud, qui est aussi un désert d’une certaine manière.  J’ai ensuite fait appel à Kevin et Richard.

Richard Webber : Oui, c’est Ray qui m’a proposé ça. Je n’étais jamais allé au pôle Sud, mais je connais très bien le pôle Nord, et j’ai pensé que ça pourrait être un bon entraînement pour Ray de faire le pôle Sud avant d’entreprendre le pôle Nord ensemble. Nous avions en ligne de mire le projet avec l’école, mais aussi de battre le record de 39 jours.

Kevin Valelly : J’ai été invité par Ray. Ça fait près de 10 ans que je fais des expéditions, pendant lesquelles j’ai beaucoup photographié, filmé et écrit. Donc j’étais la bonne personne pour documenter ce projet! Mon but était vraiment d’arriver au pôle Sud. Battre le record, ce n’était pas une priorité, mais un bonus. Je voulais vraiment inspirer tous ces enfants qui suivaient notre expédition.

Crédit: impossible2possible.comComment se déroulait votre quotidien?

KV : Nous portions tous le même poids, soit environ 80 kg. Moi, je portais tout le matériel technique. Nous nous sommes imposé un rythme intense : réveil à six heures du matin. Nous faisions fondre de la neige pour avoir de l’eau et nous nous préparions un énorme déjeuner pour avoir le nombre de calories suffisant (8000 par jour!). Nous essayions d’être sur les skis (ou les raquettes pour Ray) à 9 h. En une journée, sans compter les pauses, nous skiions plus de neuf heures par jour par tranche de deux heures et demie en début de journée avec une pause de 15 minutes. Dans l’après-midi, les périodes de ski étaient moins longues : de une à deux heures. En fin de journée, on organisait le camp le plus rapidement possible en creusant la neige pour que ça tienne bon. Le soir, nous écrivions respectivement des articles pour nos sites web et pour le projet scolaire. Au maximum, on se couchait entre minuit et deux heures du matin.

RZ : Moi, j’étais le seul des trois à marcher, à pied ou en raquette. On essayait d’utiliser au maximum les cartes et les boussoles plutôt que d’user nos piles. Et nous avons récupéré tous les déchets que nous avons produits.

RW : Nous avons augmenté progressivement la cadence et nous avions des équipements plutôt légers, donc on pouvait marcher vite : je suis habitué de partir avec un minimum de 110 kg! L’avantage au pôle Sud, c’est que ça glisse bien et le soir, malgré les températures, il fait chaud dans les tentes. Je dormais au dessus de mon sac de couchage! Au pôle Nord, ce n’est jamais aussi plaisant.

Aviez-vous eu un entraînement spécial avant de partir?

RW : J’étais responsable de la préparation, mais ce n’était rien de concret. Deux mois d’acclimatation, de préparation pour savoir quoi manger et pour gérer l’effort.

KV : Moi je n’avais pas d’entraînement particulier. Mon entraînement, c’était ces vingt dernières années. Il suffit de connaître son corps. Si je m’étais beaucoup entraîné juste avant le départ, j’aurais été en bonne forme les premiers jours, mais après une dizaine de jours, j’aurais eu une baisse de régime et je n’aurais jamais fini. Du coup, les dix ou quinze premiers jours étaient durs, mais après il n’y avait aucun problème pour skier douze heures par jour.

RZ : C’est un entraînement sur le long terme. Mais tout le monde peut y arriver. Jusqu’en 2000, je fumais et je buvais. En moins de dix ans, j’ai réussi à changer du tout au tout.

Qu’est-ce qui a été le plus exigeant?

RZ: Le vent. Et surtout le fait qu’il n’y ait aucun contraste. Tout est blanc tout le temps! Et le soleil ne disparaît jamais durant l’été austral. C’est épuisant : on ne voit jamais le bout. Vers la fin, on a beaucoup accéléré : nous avons parcouru un degré de latitude en deux jours! 

KV : Nous avons skié environ 35 km par jour en moyenne. Mais en réalité, nous en avons fait beaucoup plus vers la fin : jusqu’à 50 km. Il y avait le vent, l’altitude et la neige très dure. Vraiment les conditions étaient difficiles. Pour moi, le plus dur était la répétition de jours aussi intenses. À la fin, on aurait peut-être continué, mais nous étions tellement fatigués.

Quelles ont été vos impressions à l’arrivée?

RW : On était heureux, mais épuisés. L’arrivée est un peu étrange avec tous ces bâtiments américains de recherche et les déchets. Il y a tellement de cochonneries là-bas! Mais au final, c’était plus intéressant que je l’avais imaginé au départ. J’avais déjà fait des expéditions au Groenland : c’est plat et c’est blanc. L’Antarctique, c’est différent… c’est très beau!

RZ : Ma première question en arrivant a été « Mais où sont les pizzas? » J’étais au bout de mes forces, mais tellement heureux. Et les enfants étaient si contents de savoir qu’on avait réussi. Sans eux et leur soutien, on n’aurait pas pu faire ça.

KV : Ma réaction : de la joie! Maintenant, j’aide à la production du documentaire, donc je revis l’expédition. Nous participons aussi à des rencontres avec les écoles pour en parler. Nous nous sommes très bien entendus durant cette expédition. J’espère donc que ça ne sera pas le dernier projet ensemble.

Encore plus…
• impossible2possible.com/
• kevinvallely.com
• canadianarcticholidays.ca

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