Un alpiniste Québécois au sommet du K2 : « J’avais l’impression que la montagne voulait me tuer »
Aucun homme au Québec n’avait gravi l’Everest et le K2, les deux plus hauts sommets du monde. C’était jusqu’à ce que Charles Page réalise l’exploit de dompter le K2 le 11 août dernier, lui qui n’avait pourtant jamais enfilé de crampons d’alpiniste il y a trois ans à peine.
C’est un exploit inimaginable pour l’aventurier de Drummondville âgé de 38 ans revenu saint et sauf de la terrifiante montagne, qui en impose du haut de ses 8611 mètres. Une épopée marquante de 46 jours.
© Photo fournie par Charles Page
Avant lui, les seuls Québécois qui avaient atteint le sommet du redoutable K2, au Pakistan, étaient Marie-Pier Desharnais, en 2022, et Stéphane Mayer-Millette, en 2024.
Plus tôt ce printemps, Page avait escaladé le Makalu. L’an dernier, il avait rayé l’Everest de sa liste, en plus du Lhotse, le quatrième plus haut sommet du monde. À l’automne 2023, il avait bravé le Manaslu.
© Photo fournie par Charles Page
« Après avoir atteint quatre sommets de 8000 mètres, je n’avais plus le complexe du débutant. Je sentais que j’avais les capacités pour le K2. Je ne réalise pas encore ce qui vient de m’arriver », s’est émerveillé Page en entretien.
Charles Page en compagnie du Chinois Dilixiati Ailikuti, qui est devenu le plus jeune humain de l’histoire à gravir le K2, à 16 ans © Photo fournie par Charles Page
« Il reste que je n’ai jamais eu peur de même de ma vie. Les chutes de roches étaient terrifiantes. Ça tombait du ciel comme de la pluie. J’avais l’impression que la montagne voulait me tuer », a-t-il ajouté.
Parcours fascinant
Pour ceux qui tiennent le décompte, Page revendique donc maintenant cinq des huit plus hautes montagnes du monde à son tableau de chasse.
Le tout devient encore plus ahurissant en considérant que Page était plutôt néophyte en la matière. C’est en s’offrant un voyage en Espagne pour faire le chemin de Compostelle il y a quatre ans qu’il a vécu son illumination personnelle.
Le K2 a permis à Charles Page de savourer quelques moments à s’imprégner des paysages grandioses. © Photo fournie par Charles Page
« C’est là que j’ai compris que dans la vie, tous les projets qu’on a se font un pas à la fois. J’ai marché là 24 jours et ça a changé ma vie complètement. Ça m’a amené à réaliser qu’il faut prendre soin de soi, qu’on a chacun cette responsabilité-là », a-t-il raconté.
Le 2 novembre 2022, la piqûre naissait. Il s’agissait de la première journée à vie de Page avec des crampons d’alpiniste, pour atteindre le sommet du Lobuche, au Népal, avec le même sherpa qui l’a accompagné dans son périple au K2.
Charles Page voue un respect éternel au sherpa qui l’a aidé dans quelques ascensions, dont celle du K2. © Photo fournie par Charles Page
« Sans sherpa il n’y a pas de sommet, pas d’histoire à raconter. C’est une belle relation d’amitié et de confiance qu’on a établie. Ce sont les sherpas comme lui, les vrais héros », a témoigné Page.
Une inspiration unique
L’idée de s’attaquer au K2 a vraiment germé en lui lors d’une visite à la caserne de pompiers 19, à Montréal. C’est là que le regretté Serge Dessureault était capitaine, avant de perdre la vie tragiquement en tentant de devenir le premier Québécois à atteindre le K2, en 2018.
Charles Page a salué la mémoire de Serge Dessureault, décédé au K2 en 2018, à l’occasion d’un arrêt au mémorial. © Photo fournie par Charles Page
« Les pompiers m’ont parlé de Serge et m’ont remis une tuque. Je l’ai portée au K2 comme tuque d’ascension en guise d’inspiration. Le 11 août, au sommet, c’était la journée de son anniversaire. Ce n’est pas un hasard, il a été ma bonne étoile », a confié Page avec émotion, lui qui a pris le temps de remercier les pompiers pour leur travail après avoir touché au ciel du Pakistan.
Pour les enfants malades
L’autre inspiration de l’alpiniste aura été la cause qu’il porte, celle des enfants malades. Depuis deux ans, ses différentes ascensions et conférences ont permis d’amasser 168 000$ pour Opération Enfant Soleil.
« Ça donne beaucoup de sens à ce que je fais. Quand je vis des moments difficiles, j’ai juste à penser aux enfants et pour vrai, les choses se replacent », a-t-il dit.
Même si son histoire a de quoi inspirer, Charles Page émet tout de même une mise en garde. On ne s’attaque pas à un défi immense comme le K2 sans en garder quelques séquelles.
« Ma conclusion, c’est que j’ai survécu au K2 plus que je ne l’ai vaincu. C’était magique, mais je me considère chanceux d’être encore en vie. Encore aujourd’hui, je me ferme les yeux et je revois le K2 et les roches. Ça laisse des traces, il y a un coût psychologique à payer », a souligné celui qui se promet d’autres ascensions dans la liste des 14 sommets de plus de 8000 mètres.