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  • Crédit: Mathieu Leblanc

Sens unique : première ascension hivernale

Dans une aventure qui a duré près de 48 heures, Yannick Girard et Louis Rousseau sont parvenus en février dernier à grimper la voie Sens unique, en affrontant des conditions particulièrement brutales.

Plusieurs grimpeurs ont tenté de relever ce défi dans le passé, mais personne n’avait encore réussi l’exploit. Ouverte en 1974 par Claude Bérubé et Stephan Frick, la voie se trouve dans un secteur éloigné des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, à Charlevoix. Pour y parvenir, il faut faire plusieurs kilomètres en ski et en raquette pour atteindre le pilier de roche qui mesure de plus de 200 mètres de haut. Même en été, la voie est rarement tentée.

Cette ascension hivernale, Yannick Girard la caressait depuis 2005. Ce mur avait attiré son attention à cette époque, et un an plus tard, il faisait la première ascension hivernale d'une autre voie, tout près, la Face ouest, moins difficile que Sens unique. Au cours des dernières années, il a donc peaufiné sa technique en escalade mixte pour ce projet. Déjà habitué aux longues voies (notamment en Patagonie), il lui fallait le partenaire idéal pour cette aventure. Louis Rousseau était le candidat tout indiqué. L'alpiniste québécois a tâté des sommets comme le Nanga Parbat et le Broad Peak. Le froid lui est familier, tout comme les efforts prolongés et brutaux.

Les deux grimpeurs désiraient faire l'ascension en style alpin : soit parvenir au sommet et redescendre le plus rapidement possible, en une seule poussée. Lors de la journée de l'ascension, la météo n'a toutefois pas été clémente. Le mercure oscillait entre -19 et -28 degrés Celsius, avec des vents violents et des bourrasques de neige pour agrémenter le tout. Le froid a été si intense, que même plusieurs jours après leur succès, Yannick Girard avait encore des doigts et orteils engourdis! « Le plaisir n'est pas arrivé sur le coup, je ne le cacherai pas! », dit-il.

L'approche prit plus de sept heures en ski pour arriver près de la base de la paroi, sur une neige glacée qui ne supportait pas leur poids. Il leur fallait encore enfiler des raquettes pour parvenir au pied du mur. De là, les aventuriers ont amorcé la section d'escalade. Ils ont grimpé jusqu'à la noirceur, avant d'établir un bivouac. Le lendemain, une des longueurs difficiles les attendait : la partie plus déversante de la voie, impressionnante et exposée. Les grimpeurs sont arrivés au sommet, et ils ont donné la cote de M6+ A1 – ce qui signifie aid climbing, parce qu’ils ont tiré à deux reprises sur des protections. « Si l'on avait pris le temps de faire tous les mouvements, on n'aurait pas eu à tirer sur la protection, et la voie aurait été M7 au lieu d'être une M6+ », soutient Yannick Girard, mais le duo voulait avancer rapidement. Et l'escalade ne s’est pas faite complètement avec des piolets : les deux athlètes devaient constamment se résoudre à mettre de gants pour faire certaines portions de fissures.

Selon Yannick Girard, cette ascension est la démonstration qu'il existe au Québec un terrain d'aventure pour l'alpinisme tel qu'il se pratique à Chamonix ou encore en Alaska, dans une moindre mesure. « L'escalade mixte et l'alpinisme, c'est encore marginal, ça inspire peut-être un peu plus l'élite, mais ça ouvre les horizons, explique Yannick Girard. Pour les Québécois, ce n'est pas encore la grosse affaire, grimper des voies de roche l'hiver, mais ça fait un peu sa place dans l'imaginaire ». Un film, réalisé par Ian Bergeron, devrait être mis en ligne au cours des prochains mois. La logistique pour le tournage a mis un certain poids sur le projet, mais pour les grimpeurs, cela permettra de mieux faire connaitre le potentiel du Québec pour la grimpe en hiver.

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