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  • Crédit : Frédérique Sauvée

Nunavik : l’Arctique en rando… et à vélo !

Sentiers de vélo de montagne épatants, treks et randos hors pair, décors de toundra irréels, culture millénaire... Le Nunavik dispose d’un potentiel de plein air à faire pâlir d’envie toute autre région du Québec. Et pourtant, le Grand Nord peine toujours à vaincre son isolement et à attirer les « visiteurs du Sud ». Et si sa future clientèle se trouvait plus près qu’on le pense?

Jamais on n’aurait pu me faire croire qu’un jour, je dévalerais un sentier de vélo de montagne au-delà du 61e parallèle, en plein Arctique. Serpentant sur un versant de la baie Wakeham, celui que j’emprunte ce jour-là offre une vue unique sur les fjords qui encadrent le village aux maisons colorées de Kangiqsujuaq, posté sur le détroit d’Hudson. Certainement le plus beau point de vue depuis les environs du village.

C’est Frédéric Asselin, de la coopérative Vallée Bras-du-Nord — bien connue dans la région de Québec —, qui a repéré le potentiel incroyable de ce site avant de lancer le projet d’y dessiner un sentier de 5,2 km, il y a quelques années. Avec l’aide de ses acolytes de la coop et d’une trentaine de jeunes du village, il a creusé la falaise, damé les fondations et financé un quad, du matériel de construction ainsi qu’une flotte de dix vélos de montagne.

Réalisé entre 2010 et 2013 avec le soutien de la communauté de Kangiqsujuaq, ce projet a permis à des jeunes de lâcher leur fou mille et une fois sur le sentier, de chronométrer leurs pointes de vitesse et de filmer leurs exploits avec leur téléphone ou leur caméra d’action. Les gars de la coop leur ont ensuite confié les rênes du projet, avec l’espoir que des centaines de kilomètres de sentiers verraient le jour à la suite de leur implication sur le terrain.

Une jeunesse à impliquer

Quatre ans plus tard, le sentier est toujours là... mais il manque cruellement d’entretien et de développement. Quelques jeunes continuent de le dévaler à toute vitesse, quand ils ne sont pas sur leurs quatre roues dans les rues du village. Mais quid des autres sentiers qui étaient sur le point d’être dessinés? Et quid de la jeune génération qui montrait tant d’enthousiasme et de volonté, en selle sur un vélo de montagne?

« Je suis un peu déçu que le projet n’ait pas eu de suite, soupire Frédéric Asselin, rentré depuis dans sa belle Vallée Bras-du-Nord. On a pourtant essayé de leur donner tous les outils afin de poursuivre le développement de sentiers. Cette région a tant de potentiel pour le vélo de montagne! »

Comme pour plusieurs projets menés au Nunavik, le manque d’argent et d’implication relègue parfois les beaux et grands rêves aux oubliettes. « Plusieurs jeunes partent faire des études à Kuujjuaq ou vont travailler dans les mines alentour, et ils ne reviennent pas au village; c’est dommage, car nous avons plein de choses à développer ici », indique Pasha Arngaq, qui travaille pour Aventures Kangiqsujuaq, une entreprise qui accueille les visiteurs de passage dans la région, leur fait visiter la communauté et les emmène à la pêche aux moules à marée basse, une activité traditionnelle du village.

Des jeunes qui s’impliquent pour leur communauté, on arrive toutefois à en trouver, comme Nalaak Misfud, qui me sert de guide sur le sentier de montagne qu’il a déjà emprunté des milliers de fois. Nalaak passe son été au parc national des Pingualuit, comme apprenti guide. À 14 ans, il galope sur le sentier du cratère comme un jeune caribou et ne rechigne pas à la tâche quand il est question de s’occuper des bagages des visiteurs du parc.

Lui et Charlie Alaku, l’un des guides inuits de Parcs Nunavik, viennent de s’occuper pendant une semaine de la seule vraie cliente du sud du Québec qu’a reçu le parc national des Pingualuit, durant l’été 2015. Tous les autres visiteurs ont été invités ou sont des résidants du Nunavik.

Nalaak et Charlie enchaînent l’encadrement de deux séjours d’affilée, puisque le mauvais temps leur interdit de retourner chez eux, à Kangiqsujuaq. Cette fin de semaine, ils m’accueillent en compagnie d’un groupe de huit femmes résidantes de Kuujjuaq, dont deux professeures, deux infirmières de l’hôpital et deux travailleuses inuites. Toutes participent à ce séjour de découverte du parc des Pingualuit dans le cadre d’un forfait à prix réduit destiné aux résidants du Nunavik.

« Il s’agit de rendre accessible, financièrement et logistiquement, le territoire des parcs du Grand Nord à ceux qui y résident, explique Stéphanie Rivest, agente de marketing pour Parcs Nunavik. Et c’est pour nous une façon de combler les sièges vides de nos vols nolisés, et de rentabiliser ainsi l’élément le plus cher de nos séjours. » Ce projet-pilote a connu un grand succès en 2015, et on compte continuer à le développer cette année.

Grâce à lui, tant les Inuits que les travailleurs (ingénieurs, techniciens, personnel de la santé et de l’éducation, etc.) envoyés en mission dans le Grand Nord peuvent sortir de Kuujjuaq et avoir accès aux merveilles naturelles du Nunavik, le tout à prix accessible (voir Le Nunavik en chiffres, ci-dessous).

Attraits en deux temps, trois mouvements

Au cours de ce séjour express de trois jours et deux nuits (souvent le maximum de jours de congé que peuvent prendre les employés lors de leur mission dans le Nord), les visiteurs peuvent ainsi randonner, faire du canot ou visiter des sites historiques dans l’un des trois parcs nationaux du Nunavik : Pingualuit, Kuururjuaq et Tursujuq.

C’est ainsi que j’ai pu arpenter un site archéologique où l’on trouve des abris sous roche, vestiges d’anciens campements de chasse des Nunamiuts, les Inuits de l’intérieur des terres. Nalaak et Charlie m’emmènent aussi admirer le cratère des Pingualuit — alias le cratère du Nouveau-Québec —, qui forme un cercle presque parfait de 3,44 km de diamètre. Le lendemain, certains membres de mon groupe partent pêcher l’omble chevalier sur le lac Manarsulik, près du camp de base du parc, pendant que d’autres vont photographier la horde de caribous qui migrent en file indienne à moins de 100 mètres des chalets.

« Pour nous, c’est une occasion en or de voir ce parc dont on nous parle depuis qu’on est petites », disent d’une même voix Andrée-Anne Lessard et Isabelle Coutu, les deux professeures de notre groupe, qui enseignent à l’école primaire de Kuujjuaq. « Nous avons beau habiter dans le Nord depuis plusieurs années, nous n’avions pas forcément les moyens de visiter les parcs ni de nous déplacer dans les autres villages, qui sont éloignés les uns des autres. Mais maintenant, nous pourrons dire que nous sommes allées au cratère du Nouveau-Québec! »

Même son de cloche pour Luc Campeau, technicien pour une entreprise de télécommunications, rencontré à Kangiqsujuaq lors de l’un de ses déplacements professionnels à travers le Nunavik. « On a parfois peu à faire dans les villages, pendant nos quelques heures de temps libre, dit-il. C’est certain que je vais aller faire du vélo de montagne sur le sentier, maintenant que je sais que ça existe! »

Ces dernières années, jamais n’a-t-on vu autant de publicité de la part de Tourisme Nunavik et de Parcs Nunavik pour promouvoir les séjours dans le Grand Nord. Mais tant et aussi longtemps que le vol aller-retour Montréal-Kuujjuaq coûtera aussi cher qu’un billet pour l’Australie, il sera plutôt difficile de motiver les Québécois du Sud à se rendre si loin dans le Nord.

L’idée de favoriser les déplacements intrarégions des habitants et travailleurs déjà sur place constitue donc peut-être la clé pour dynamiser l’économie touristique de cette région, dont le potentiel de plein air ne demande qu’à être valorisé...


Le Nunavik en quelques chiffres
Crédit : Frédérique Sauvée

4999 $ tout compris pour un séjour de 9 jours de trekking au parc des Pingualuit (vols depuis Montréal, hébergement, repas et guides).

599 $ pour un forfait de fin de semaine de 3 jours au départ de Kuujjuaq (transport, hébergement et guide inclus).

2400 $ pour un vol aller-retour Montréal-Kuujjuaq.

1 million : nombre estimatif de caribous sur le territoire du Nunavik.

Jusqu’à 22 heures d’ensoleillement quotidien en été.

1646 mètres d’altitude pour le mont d’Iberville, plus haut sommet du Québec, situé dans le parc national de Kuururjuaq.

2 heures de vol entre Montréal et Kuujjuaq avec la compagnie First Air.

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