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  • © courtoisie Mylène Paquette

Mylène Paquette : L'aventure unisexe

Je n'ai jamais pensé que j'étais l'égale d'un homme.

À l'aube de ma première aventure, il y a neuf ans déjà, je me souviens avoir eu peur de ne pas être à la hauteur du défi qui m'attendait. Quelques heures avant de partir pour traverser l'océan Atlantique à la rame avec un équipage de gars, je doutais de moi-même.

Le défi était de taille : ramer de toutes nos forces pour relier le Maroc et la Barbade. Les cinq hommes qui m'accompagnaient étaient des athlètes, des sportifs, des aventuriers aguerris prêts à affronter les 12 heures d'efforts quotidiens nécessaires pour ramer vers l'Amérique.

Bien que j'aie pu m'inquiéter du fait d'être la seule femme à bord, c'était plutôt l'ampleur de l'effort à fournir qui m'accablait mentalement. Je rejetais l'idée qui soutenait que mon genre me prédispose à être plus faible que le sexe opposé. Ce sont plutôt mes aptitudes physiques et ma robustesse psychologique, propres à ma personne et non à mon genre, que j'ai remises en question.


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Je me comparais à mes camarades par rapport à leurs expériences plutôt que par rapport à leur genre. Je ne me suis jamais dit que les hommes qui m'accompagnaient allaient être plus forts juste parce que ce sont des hommes. Cela m'aurait semblé ridicule de les réduire à leur sexe! Je les valorisais parce qu'ils me semblaient plus aguerris et entraînés par leurs expériences préalables.

" Est-ce que ma contribution serait aussi importante que celle de mes compagnons de voyage? "

À ma grande surprise, après quelques jours en mer, j'ai constaté que j'étais à la hauteur du projet. Qui plus est, pour la première fois de ma vie, je ne m'étais jamais autant sentie être humain à part entière! Face à la nature qui m'entourait, je m'estimais moins définie par mon genre que par mon espèce. Quelle découverte!


© Courtoisie Mylène Paquette

À la merci des conditions hostiles que l'océan impose, l'être humain n'a d'autre choix que de reconnaître ses besoins afin de pouvoir survivre. Manger, dormir, s'abriter, prendre soin de soi, se maintenir en santé, se soigner, éliminer. Avant d'être une femme, j'étais un humain avec des besoins. Un point c'est tout.

Faire face à la Nature avec un grand N m'a permis de reconnaître mon essence réelle. Dans notre embarcation rouge, au milieu de l'Atlantique, nous étions six aventuriers ramant à l'unisson bien avant d'être des hommes ou des femmes.

Pour réussir une telle aventure, on doit savoir composer avec les changements, tirer profit des circonstances et prendre les bonnes décisions. Bien avant que la présence d'une femme à bord d'une embarcation puisse influencer l'issue de l'aventure, bon nombre de facteurs entreront en jeu. Nos capacités d'adaptation, notre résilience et notre détermination ont beaucoup plus à voir avec l'issue de l'aventure que notre genre. Que nous soyons une femme ou un homme, l'environnement qui nous entoure n'en a que faire.


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Pour quelle raison se lance-t-on en vélo à l'assaut d'une montagne, en combinaison ailée d'une falaise vertigineuse ou en canot à glace sur les eaux gelées du fleuve? Pour vivre des sensations fortes, me direz-vous?

Pour ma part, il s'agit simplement d'assouvir le désir de me sentir en contact avec la nature et d'ainsi me reconnecter à mon essence première, dans un monde où la femme est sans cesse rappelée à son genre parce que ses limites n'ont pas été respectées.

À une époque où le sexisme est encore bien présent dans toutes les sphères de la société et où l'équité salariale se fait encore attendre, ça fait du bien de se sentir d'abord humain. Parce que le salaire de l'aventure est le même pour un homme que pour une femme.

Fréquenter la nature nous permet de mettre en valeur nos qualités humaines avant tout et quand on est femme, ça fait du bien!

Et c'est peut-être pour cela que l'aventure m'interpelle encore… Parce qu'elle me rappelle qui je suis avant d'évoquer le genre auquel j'appartiens.

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