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  • Crédit: axiao Productions, Shutterstock

L’obsession du poids plume

Sur la table de la salle à manger de Michel Caron, il y a une petite montagne. On est bien loin du mont Denali en Alaska qu’il a gravi à trois reprises ou de l’Aconcagua argentin auquel il s’est attaqué en solitaire. En fait, le joli petit monticule qui trône sur la table est essentiellement composé de vêtements, pantalons et sacs à dos. Tout juste à côté, reluisante de propreté, sa balance de cuisine.

Conçue pour accueillir farine, gruau, saumon frais ou tout autre aliment en quête de précision, la balance de Michel a fait son deuil de la nourriture en 2004, lorsque l’obsession du poids plume a gagné le grimpeur et ultramarathonien sherbrookois. « C’est ma maladie mentale depuis que je fais de la haute montagne! » s’amuse-t-il à dire. Lors de sa première grande expédition au Pérou en 2000, le photographe de profession avait notamment apporté un manteau Gore-Tex et un pantalon totalisant 1,1 kg. Quatre ans plus tard, alors qu’il prenait la route de l’Aconcagua, ce même équipement pesait 350 grammes! Une série de petits changements qui lui ont permis d’atteindre le sommet à deux reprises durant cette expédition.

« C’est certain que la préoccupation du poids est très présente. C’est obsédant. Ultra-light est probablement le mot que j’écris le plus souvent dans Google. J’ai souvent bricolé très tard le soir. Je calculais le temps que prenait l’eau à bouillir dans les réchauds que je fabriquais avec des fonds de grosses cannes de Heineken! » ajoute-t-il, admettant qu’il ne rate pas une occasion de visiter les magasins de plein air pour analyser les nouveautés. 

Même chose pour l’aventurier Frédéric Dion, attrapé au bout du fil alors qu’il revenait d’une visite chez Mountain Equipment Co-op. « Ce qui m’empêche de dormir? C’est le plaisir de la création. J’aime trouver des solutions pour doubler l’utilité de certaines pièces d’équipement », lance celui qui a notamment traversé le Québec du sud au nord en solitaire et en kayak à l’âge de 24 ans. Un périple de 2 700 km qu’il compte refaire en 2014, sur des skis cette fois et avec son chien Nanook.

« Pour mon expédition en kayak, j’avais 91 kg de matériel et c’était l’été. Pour le projet de 2014, j’avais initialement 190,5 kg pour 80 jours d’expédition, dont la moitié en nourriture. J’ai travaillé fort pour trouver des solutions afin de diminuer le poids. Je suis rendu à 90 kg et il y a encore place à la création pour baisser de 2 kg », raconte celui qui se lance aussi un autre défi cet été : il sera déposé en terrain inconnu, sans GPS, ni carte, ni nourriture et devra revenir à la civilisation en deux semaines. Pour cette aventure, le poids est d’une grande importance. Il a donc créé une ceinture pouvant se transformer en tente, en hamac et en kayak. Poids total : 1,36 kg. « Ce que je fais est assez particulier. Je fais une utilisation de la ressource potentielle disponible. Je vais parfois travailler dans mon atelier pendant la nuit. J’ai plein d’idées la nuit et quand j’ai une bonne idée, je n’arrive pas à dormir alors j’essaie tout de suite de patenter quelque chose! »

Sur la liste noire

Une chaise Thermarest : « En expédition, il y a toujours une façon de se fabriquer une chaise! » - Michel Caron

Une serviette : « C'est complètement inutile avec les vêtements synthétiques de nos jours! » - Frédéric Dion

Un grand sac à dos : « J'ai vu des gens courir avec des sacs à dos beaucoup trop gros, qui balançaient de gauche à droite. Je ne comprends pas comment ils pouvaient supporter ça! » - Patrice Godin

Une pompe manuelle à vélo : « Pendant des années, je me suis passé d'un dérive-chaîne dans mon sac de selle lors des entraînements jusqu'à l'an dernier, où ma conjointe a brisé sa chaîne de vélo! Il y a toutefois plusieurs choses que je n'apporte pas. Je n'apporterais jamais une pompe manuelle! » - Arnold Ross

— Ta blonde, elle en dit quoi de cette obsession?
— Elle dit que je suis passionné! Elle dit que c’est l’enfant en moi!

La copine de Frédéric n’est pas la seule à avoir une opinion sur la question : « C’est ma blonde qui dit que je suis un obsédé de la légèreté », m’écrit Arnold Ross. Cycliste aguerri, Arnold roule sur un Cervelo R3 monté en Campagnolo Record. Sa valeur? Entre 6 500 et 7 000 $. Son poids? 6,8 kg, soit le minimum permis lors des compétitions auxquelles il prend part une dizaine de fois durant l’été chez les maîtres. « Je pourrais aller plus loin. Il y a des roues de 950 grammes qui se vendent de 5 000 à 6 000 $ la paire. Mais même si j’avais l’argent, je ne ferais pas ces achats. C’est un choix logique avec les routes du Québec! » explique le cycliste. 

« Je regarde le poids de tout! Mes chambres à air sont en latex. Je suis prêt à payer le prix pour la légèreté même si je sais qu’elles durent moins longtemps », ajoute Arnold. Même son de cloche pour Michel Caron : « Pour mon matériel de plein air, le poids et la fonctionnalité viennent avant le prix. Mais j’ai remarqué que souvent, les items plus légers se brisent moins facilement. Les sacs à dos par exemple, plus ils sont légers et moins ils ont de coutures et de fermetures éclaires susceptibles de devenir rapidement défectueuses! »

Et la nourriture?

« À l’entraînement, je mange peu et je préfère me ravitailler en chemin, ça évite de traîner des provisions et d’être plus lourd », raconte Arnold. Opinion partagée par le comédien et ultramarathonien Patrice Godin. Celui qui prendra part aux 100 miles du Vermont pour une deuxième année consécutive cet été est actuellement dans une période de grand questionnement. « Qu’est-ce qui est mieux entre mon sac léger de type Calmelback (1,5 litre) ou deux bouteilles dans mes mains (16 onces) que je tiendrais avec une dragonne? C’est une question de poids, mais aussi de confort », estime celui qui a réalisé l’épreuve de l’an dernier en 23 heures 23 minutes.

« Je suis très préoccupé par la nourriture qui entre dans mon sac à dos, mais pas du tout par celle que je mange! » s’exclame Michel Caron en riant. La plupart de ces grands sportifs rencontrés sont du même avis. Frédéric Dion n’est pas du tout soucieux de son poids corporel. C’est certain que lorsque tu réussis à traverser le Québec à la course à pied au rythme de cinq marathons par semaine pendant sept semaines consécutives, la peur de prendre du poids n’a peut-être pas raison d’être!

« Je ne suis pas obsédé par mon poids corporel, mais il reste que les années où j’ai fait mes meilleurs temps, je pesais 170 livres. Actuellement, je tente de redescendre. Je suis entre 170 et 175 livres. L’automne et l’hiver, je prends du poids », dit Patrice Godin, adepte de la course à pied depuis cinq ans. De son côté, le cycliste Arnold Ross ajoute : « Mon poids corporel est important, car il est relié à ma performance. Mais je ne surveille pas ce que je mange. Pour ne pas engraisser, je fais simplement plus de sport. Surtout l’hiver, c’est pour ça, le ski de fond! »

Pourquoi être plus léger?

« Je ne suis pas un crack de la performance. Je ne fais pas partie de l’élite », précise l’aventurier Frédéric Dion en ajoutant que son obsession de la légèreté est simplement pour faciliter ses expéditions. Par contre, Arnold Ross ne cache pas son intérêt pour la performance : « Surtout en montée, ça libère des watts de puissance additionnels. » Un atout important lorsqu’on cumule 8 000 km au compteur chaque été!

« J’aime l’idée de me couper de mon confort en expédition pour être plus rapide, raconte Michel Caron. Et je répète toujours que l’article le plus léger est celui que tu décides de ne pas apporter », conclut-il.

Crédit: PatagoniaCoup de cœur d’obsédés

>> Michel Caron

• Patagonia ultra-light down sweater :
« Ce manteau est hyperléger. Pour ceux qui aiment le duvet! Wow! »  Poids : 343 grammes | 200 $

• Patagonia Houdini :
« C’est un coupe-vent avec un capuchon. Il y a juste une petite poche et peu de coutures. C’est génial! Je l’ai toujours avec moi » Poids : 121 grammes | 125 $

Source: Veloflex Corsa



>> Arnold Ross

• Pneus Véloflex Corsa en 20 mm
« Légèreté, performance et confort! » Poids : 190 grammes.
 






Crédit: Frédéric Dion

>> Frédéric Dion

• Son cocon, fabrication maison :
« Une de mes inventions qui est devenue essentielle pour le camping d’hiver! » Poids : 2 250 grammes | Ça n’a pas de prix!
 



Crédit: The North Face


>> Patrice Godin

• Coupe-vent "Better Than Naked" de The North Face : « Je cours rarement avec des manteaux qui protègent de la pluie, mais celui-là est un must. Super léger, il respire bien et je finis par l'oublier quand je cours. De plus, si je dois l'enlever, il se noue facilement autour des hanches ou se range dans le sac d'hydratation en un rien de temps ». Poids : 120 grammes | 150 $

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